Spondyloarthrite
Le concept de spondyloarthrite (SpA, anciennement appelée spondylarthropathie) regroupe des rhumatismes inflammatoires chroniques qui partagent certaines de leurs manifestations cliniques ainsi qu'un terrain génétique commun. En font partie la spondyloarthrite ankylosante, le rhumatisme psoriasique, les arthrites réactionnelles, les arthrites associées aux entérocolopathies inflammatoires, les formes juvéniles et les SpA indifférenciées (fig. 18.1).
Fig. 18-1 :Le groupe des spondyloarthrites (SpA).
Une nouvelle terminologie issue des critères de classification ASAS 2009 a été introduite pour mieux décrire le phénotype clinico-radiographique des patients souffrant de spondyloarthrite (encadré 18.1).
Encadré 18.1 (D'après : Claudepierre P, et al. Rev Rhum 2012 ;79:377–8.)
Terminologie et description des spondyloarthrites
Spondyloarthrites périphériques articulaires (SpA périphériques) :
Spondyloarthrites périphériques enthésitiques (SpA enthésitiques).Afin de mieux caractériser le phénotype de l'atteinte, on peut ajouter les éventuelles manifestations extra-articulaires concomitantes. Par exemple :
La prévalence globale de l'ensemble des spondyloarthrites est de 0,35 % en France, le sex-ratio étant de 1,5 (hommes/femmes). Cependant des études récentes tendraient à démontrer que les femmes sont aussi fréquemment atteintes que les hommes mais avec des formes moins sévères. Dans la majorité des cas, la pathologie débute chez l'adulte jeune (avant 35 ans). Les formes à début tardif (après 45 ans) sont rares. L'âge moyen du début des symptômes est environ 26 ans. Il existe souvent un délai diagnostique de plusieurs années chez ces patients.
On observe une agrégation familiale des SpA chez 20 à 30 % des patients avec une coségrégation des différentes manifestations cliniques (spondyloarthrite, uvéite, entérocolopathie, psoriasis), indiquant des facteurs de prédisposition communs aux différentes formes de spondyloarthrites.
HLA-B27, qui est un allèle normal du complexe majeur d'histocompatibilité (CMH), est très fortement associé avec la spondyloarthrite ankylosante — il s'agit de l'une des plus fortes associations actuellement connues entre un antigène du système HLA et une maladie, avec un risque relatif (RR) supérieur à 200. Toutefois, prévalence d'HLA-B27 dans la population générale caucasienne est de 6 à 8 % (alors que la prévalence de la forme axiale ne dépasse pas le 1 %). Elle est exceptionnelle chez les sujets à peau noire où sa présence est un élément de valeur encore plus élevée. La prévalence d'HLA-B27 parmi les malades atteints de spondyloarthrite ankylosante est supérieure à 90 %, de 63 à 75 % parmi les malades souffrant d'arthrite réactionnelle, de 50 à 70 % pour le rhumatisme psoriasique et les rhumatismes associés aux entérocolopathies inflammatoires.
Bien qu'il existe plusieurs modèles animaux permettant de les étudier, la physiopathologie précise des SpA reste actuellement mal connue. Plusieurs hypothèses physiopathologiques liées au HLA-B27 sont évoquées :
L'enthèse désigne la zone d'ancrage dans l'os de différentes structures fibreuses (les ligaments, les tendons, les capsules articulaires, les fascias).
L'atteinte inflammatoire des enthèses (ou enthésites), axiales ou périphériques, est un phénomène au cours des SpA, par opposition à la polyarthrite rhumatoïde où l'atteinte principale est la synovite.
Il existe un grand nombre d'enthèses dans l'organisme ;
L'enthésite fait intervenir les mécanismes habituels de l'inflammation. Des études fondamentales et cliniques récentes ont montré le rôle important joué par le TNFα ou l'IL-17, expliquant ainsi la grande efficacité des biothérapies anti-TNFα ou anti-IL-17 au cours des spondyloarthrites.
L'enthésite se traduit par la douleur locale de type inflammatoire. Elle est réveillée à l'examen physique par la pression et par la mise en tension de l'enthèse. Une tuméfaction locale peut se voir en cas d'enthésite superficielle et très inflammatoire (exemple de l'enthésite achilléenne, ou calcanéenne postérieure).
Les enthésites prédominent aux membres inférieurs :
Les enthèses sont des zones à forte pression mécanique, surtout aux membres inférieurs, et ce stress mécanique est évoqué comme cause dans le déclenchement des enthésites chez des patients prédisposés. Dans certains cas, l'inflammation peut précéder un processus d'ossification entraînant, au niveau du rachis, la formation de syndesmophytes, puis de ponts osseux entre les vertèbres, créant alors une ankylose vertébrale irréversible.
Il s'agit du syndrome axial « inflammatoire » traduisant l'inflammation des enthèses du rachis et des sacro-iliaques. Les enthèses sont les insertions osseuses des tendons, des ligaments, des capsules et des fascias.
Il s'agit de dorsolombalgies présentes depuis au moins 3 mois, d'horaire inflammatoire (réveil nocturne de seconde partie de nuit, dérouillage matinal de plus de 30 minutes), aggravées par le repos et cédant à l'activité physique.
Elles débutent habituellement au niveau de la charnière thoracolombaire puis s'étendent de façon descendante puis ascendante.
L'examen clinique montre une raideur axiale (évaluée par la mesure de l'indice de Schöber ou l'inflexion latérale lombaire) puis l'ankylose rachidienne dont l'un des premiers signes est la disparition de la lordose lombaire physiologique (évaluée par la distance L3-mur) dans les stades évolués avec progression structurale chez certains patients (formation de ponts osseux entre les vertèbres).
La sacro-iliite se traduit par l'apparition de douleurs de la fesse d'horaire le plus souvent inflammatoire. La douleur fessière est soit unilatérale, soit bilatérale, soit à bascule. Cette pygalgie, ou fessalgie, encore dénommée sciatalgie tronquée — ce qui est un mauvais terme puisque le nerf sciatique n'est pas en cause —, est une douleur en pleine fesse irradiant parfois en dessous du pli fessier. Elle n'a aucun caractère neurogène (absence de dysesthésies, absence de paroxysme douloureux), ni trajet radiculaire (pas d'irradiation complète au membre inférieur, absence d'impulsivité à la toux), ni de signe neurologique objectif associé. Cette pygalgie peut être déclenchée par les manœuvres de cisaillement des sacro-iliaques : cela impose plusieurs manœuvres maintenues au moins 20 secondes chacune et dont trois au moins doivent être positives c'est-à-dire déclencher la douleur spontanée.
Il s'agit classiquement d'une oligoarthrite des membres inférieurs touchant volontiers les grosses articulations (par ordre de fréquence : le genou puis la cheville).
L'atteinte coxofémorale, dénommée coxite, est fréquente et redoutable (certains classent la coxite dans les atteintes rachidiennes axiales). On peut noter également des arthrites des articulations interphalangiennes distales (dans le rhumatisme psoriasique, en particulier) ou des dactylites (atteinte inflammatoire de l'ensemble d'un doigt ou d'un orteil, appelées doigts ou orteils en « saucisse »).
L'atteinte enthésopathique périphérique est caractéristique des spondyloarthrites : c'est la traduction clinique de l'enthésopathie inflammatoire, ou enthésite.
Toutes les enthèses peuvent être atteintes, mais les enthésites siègent de façon préférentielle aux membres inférieurs. L'atteinte la plus fréquente et la plus caractéristique est la talalgie.
La talalgie est d'horaire inflammatoire, survenant le matin au lever lors du premier pas, elle s'améliore au cours de la journée. Elle est très évocatrice lorsque, survenant chez un sujet jeune, elle est bilatérale ou à bascule.
À la palpation, on note soit une talalgie plantaire inférieure traduisant l'aponévrosite plantaire inférieure siégeant sous le calcanéus, soit une talalgie postérieure correspondant à l'enthésopathie du tendon calcanéen ou traduisant l'existence d'une bursite pré- ou rétro-achilléenne.
Il faudra savoir systématiquement rechercher l'existence d'autres enthésites par la palpation et la mise en tension systématique des enthèses (tubérosité tibiale antérieure, grand trochanter, ischion).
L'orteil ou le doigt en « saucisse » correspond à une tuméfaction globale de l'orteil ou du doigt (fig. 18.2). Il s'agit dans la grande majorité des cas de l'association d'une enthésopathie inflammatoire distale, d'une ténosynovite, avec une arthrite le plus souvent tripolaire. Au niveau du premier rayon, elle ne doit pas être confondue avec l'atteinte exclusive de l'articulation métatarsophalangienne (rencontrée dans la goutte).
Fig. 18-2 :Tuméfaction et rougeur du troisième orteil : aspect en « saucisse ».
L'atteinte des articulations sternoclaviculaires et manubriosternale, voire chondrosternales, peut accompagner les manifestations axiales de la maladie.
L'une des caractéristiques des spondyloarthrites est l'existence de manifestations cliniques communes extra-articulaires, dont la fréquence varie en fonction de la forme clinique. Elles peuvent précéder les manifestations rhumatologiques. Elles doivent être recherchées par l'interrogatoire dans les antécédents du patient.
Il s'agit d'une uvéite aiguë antérieure, non granulomateuse dans la plupart des cas, souvent paucisymptomatique mais parfois sévère. Cette uvéite est uni- ou bilatérale, voire à bascule. Elle s'associe rarement à une atteinte postérieure mais sa répétition sans traitement efficace (collyres cortisoniques et mydriatiques) peut conduire à des synéchies.
Le dépistage et la surveillance de cette atteinte sont absolument nécessaires . Elle peut survenir dans 20 % des cas environ et être inaugurale.
Elle se traduit le plus souvent par des diarrhées, d'allure banale mais aussi parfois glairo-sanglantes. Toute diarrhée ou amaigrissement inexpliqué chez un patient suspect de spondyloarthrite doit faire rechercher une maladie de Crohn ou une rectocolite hémorragique.
Les autres signes des entérocolopathies sont à rechercher : fissurations anales, pancolite inflammatoire, sténoses inflammatoires, etc.
La prise en charge multidisciplinaire de ces atteintes et la collaboration avec un gastro-entérologue sont absolument nécessaires.
Toutes les manifestations du psoriasis sont à prendre en compte. Certaines atteintes sont plus particulièrement associées au rhumatisme psoriasique :
Ces trois atteintes font d'ailleurs partie des zones dites « bastions », c'est-à-dire résiduelles à distance d'une poussée cutanée et donc à rechercher systématiquement.
D'autres localisations sont à connaître et à rechercher : psoriasis vulgaire en plaques, psoriasis en gouttes, pustulose palmoplantaire (à rapprocher du syndrome SAPHO : synovite, acné, pustulose palmoplantaire, hyperostose et ostéite), voire hydrosadénite suppurée (maladie de Verneuil) à rechercher dans les creux axillaires et la région anogénitale.
Le psoriasis précède le plus souvent de 10 ans en moyenne la survenue du rhumatisme psoriasique, mais des formes synchrones sont possibles voire, plus rarement, des rhumatismes psoriasiques sans psoriasis. Dans ce cas, un psoriasis dans la famille est une des clés du diagnostic (critère CASPAR).
La prise en charge peut nécessiter une collaboration avec le dermatologue pour convenir des traitements à action commune vis-à-vis de la peau et du système musculosquelettique.
À côté des valvulopathies, tardives (cf. infra), il faut signaler la possibilité de troubles du rythme ou de la conduction au moment des poussées inflammatoires de la maladie. Ces atteintes sont liées à un processus inflammatoire puis de fibrose des structures cardiaques.
Ces différentes manifestations ont été utilisées pour établir des critères de classification des spondyloarthrites :
Fig. 18-3 :Critères de classification ASAS 2009 de spondyloarthrite axiale chez les patients ayant des rachialgies depuis plus de 3 mois et un âge de début inférieur à 45 ans.
Sensibilité = 82 % ; spécificité = 84,4 % ; imagerie seule : sensibilité = 66,2 % ; spécificité = 97,3 % (n = 649).
SpA : spondyloarthrite.
(Reproduit à partir de Rudwaleit M, Van der Heijde D, Landewé R, et al. The development of Assessment of SpondyloArthritis international Society classification criteria for axial spondyloarthritis (part II): validation and final selection. Ann Rheum Dis 2009;68(6):777–83 avec l'autorisation de BMJ Publishing Group Ltd.)
Fig. 18-4 :Critères de classification ASAS de spondyloarthrite périphérique.
Sensibilité = 77,8 % ; spécificité = 82,2 % (n = 266).
SpA : spondyloarthrite.
* Arthrite périphérique prédominant habituellement aux membres inférieurs et/ou arthrites asymétriques. ** Enthésite évaluée cliniquement. *** Dactylite évaluée cliniquement.
(Reproduit à partir de Rudwaleit M, Van der Heijde D, Landewé R, et al. The Assessment of SpondyloArthritis International Society Classification criteria for peripheral spondyloarthritis and for spondyloarthritis in general. Ann Rheum Dis 2011;70:25–31 avec l'autorisation de BMJ Publishing Group Ltd.)
Catégorie | Critère | Points |
---|---|---|
Signes cliniques ou histoire clinique |
| 1 point |
– Douleurs fessières uni- ou bilatérales | 1 point | |
| 2 points | |
| 2 points | |
| 2 points | |
| 2 points | |
| 2 points | |
| 1 point | |
| 1 point | |
| 2 points | |
Signes radiologiques | Sacro-iliite radiologique ≥ stade 2 si bilatérale ou stade 3 si unilatérale | 3 points |
Terrain génétique | Présence de l'antigène HLA-B27 ou antécédents familiaux de pelvispondylite, d'arthrite réactionnelle, de psoriasis, d'entérocolopathies chroniques | 2 points |
Sensibilité au traitement | Amélioration en 48 heures des douleurs par AINS et/ou rechute rapide (48 heures) des douleurs à leur arrêt | 2 points |
Critères majeurs |
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Critères mineurs |
|
La spondyloarthrite ankylosante est la forme la plus typique et la plus sévère, caractérisée par une atteinte du squelette axial (rachis et sacro-iliaques) pouvant conduire à une ankylose.
Critères cliniques |
|
Critères radiologiques | Sacro-iliite bilatérale de stade ≥ 2 ou sacro-iliite unilatérale de stade ≥ 3 |
Score : la spondyloarthrite est définie si le critère radiologique est associé à au moins un des critères cliniques |
Pour la description du rhumatisme psoriasique, se reporter au chapitre 6 (item 117). Il s'agit d'une des formes les plus fréquentes de SpA périphérique.
Les arthrites réactionnelles sont des arthrites aseptiques parfois associées à une conjonctivite, une urétrite chez l'homme, une cervicite chez la femme, et survenant quelques semaines après une infection génitale ou digestive. Le syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter est la forme la plus complète d'arthrite réactionnelle et est défini par la triade urétrite-conjonctivite-arthrite.
Les germes en cause dans l'urétrite ou la diarrhée sont le plus fréquemment : Chlamydia trachomatis, Shigella flexneri, Yersinia enterocolitica et Yersinia pseudotuberculosis, Salmonella enteritidis et Salmonella typhimurium, Campylobacter jejuni.
L'association au gène HLA-B27 concerne 50 à 95 % des cas.
L'évolution de l'atteinte articulaire se fait sur un mode chronique dans 10 à 20 % des cas, pouvant évoluer vers une spondyloarthrite ankylosante.
Dans 10 à 20 % des maladies de Crohn et des rectocolites hémorragiques, surviennent des arthrites périphériques ou une sacro-iliite radiologique le plus souvent asymptomatique. Une forme axiale complète remplissant les critères de spondyloarthrite ankylosante est plus rare : moins de 5 %. Classiquement, l'atteinte périphérique évolue parallèlement à l'atteinte digestive, contrairement à l'atteinte axiale qui évolue pour son propre compte. La maladie de Verneuil est une association connue avec la maladie de Crohn.
Il faudra rechercher sur la radiographie conventionnelle les différents stades évolutifs de l'enthésopathie :
Fig. 18-5 :Atteinte caractéristique de la charnière thoracolombaire avec, à la phase de reconstruction, une ossification en « pont » dénommée syndesmophyte.
Fig. 18-6 :Radiographie d'une coxite gauche.
Pincement global de l'interligne coxofémoral, sans signe de construction, aspect irrégulier de l'ischion en rapport avec une enthésopathie.
Fig. 18-7 :Radiographie du bassin de face. Condensation des berges des deux articulations sacro-iliaques et aspect flou de l'interligne.
Fig. 18-8 :Scanner. Atteinte sacro-iliaque caractérisée par des érosions et des lésions d'ostéocondensation irrégulières des deux berges donnant l'impression d'un « pseudo-élargissement ».
Fig. 18-9 :Scanner. Atteinte sacro-iliaque plus évoluée avec une fusion des berges.
Fig. 18-10 :Radiographie du calcanéus de profil. Aspect d'érosion active de l'angle postéro-supérieur.
En cas de sacro-iliite sur la radiographie standard, l'IRM des sacro-iliaque et du rachis n'a aucun intérêt diagnostique.
Fig. 18-11 :IRM sacro-iliaque.
A. Séquence T1. Hyposignal sur les deux berges de l'articulation sacro-iliaque, en particulier gauche. B. Séquence en équivalent de T2 (inversion-récupération). Hypersignal sur les berges de la sacro-iliaque gauche.
On estime que 60 % des patients souffrant de SpA et non traités ont une CRP et/ou une VS anormale(s), mais le syndrome inflammatoire est habituellement plus modeste que dans les autres rhumatismes inflammatoires comme la polyarthrite rhumatoïde. Une élévation importante de la CRP ± de la VS doit faire rechercher une affection associée, tumorale ou infectieuse, MICI non connue par exemple.
L'intérêt diagnostique de la recherche du HLA-B27 est discutable .
Dans une spondyloarthrite ankylosante certaine, la recherche du HLA-B27 est inutile.
En revanche, dans certains cas douteux (tableau clinique évocateur mais ne permettant pas d'être affirmatif), on peut demander ce typage, ce qui va alors permettre d'appliquer les nouveaux critères ASAS :
Les explorations fonctionnelles respiratoires simples peuvent servir à documenter l'atteinte respiratoire restrictive et la fibrose pulmonaire dans les maladies évoluées.
L'électrocardiogramme détecte les troubles du rythme et de la conduction (BAV).
L'objectif thérapeutique doit être la rémission ou une activité faible de la maladie.
Comme pour toute affection chronique, l'éducation du patient est fondamentale et fait partie intégrante du traitement.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont la pierre angulaire du traitement des spondyloarthrites : les AINS sont efficaces dans plus de 70 % des cas sur la lombalgie inflammatoire au début de la maladie.
Les AINS sont habituellement rapidement efficaces et, si l'AINS est arrêté, une rechute douloureuse est observée en moins de 48 heures.
L'AINS doit être utilisé à dose optimale (quand bien même elle correspond à la dose maximale autorisée) avec, si possible, la prise le soir d'une forme à libération prolongée permettant de couvrir toute la phase inflammatoire nocturne et matinale.
En cas d'échec, après 2 semaines de traitement, il convient de faire l'essai d'un autre AINS. Au moins deux AINS doivent être essayés successivement sur 4 semaines au total avant de conclure à leur échec.
Certaines familles comme les propioniques ou les indoliques sont plus actives. Le diclofénac au long cours n'est plus admis par les autorités sanitaires en raison de son risque cardiovasculaire.
Chez 25 à 50 % des malades, la SpA reste active malgré le traitement par AINS.
Attention à leurs utilisations en cas de MICI associée.
Les antalgiques peuvent être utilisés en complément des AINS, surtout en cas de manifestations rachidiennes ; de plus, ils permettent de faciliter la rééducation.
Un geste local peut être réalisé en cas d'arthrite (infiltration de corticoïdes, synoviorthèse isotopique) ou d'enthésopathie (infiltration cortisonique) rebelle au traitement général. La physiothérapie, l'ergothérapie et les techniques d'appareillage peuvent également être utilisées en fonction des atteintes et de leur évolution sous l'effet du traitement AINS.
Les traitements de fond s'adressent aux patients ne répondant pas ou répondant partiellement aux AINS et aux gestes locaux. La réponse thérapeutique peut être évaluée de plusieurs façons : utilisation des EVA patient, évolution du syndrome inflammatoire biologique si présent avant traitement, utilisation de scores d'activité (par exemple, BASDAI, ASDAS). Fig. 18-12 :
La mise en place d'un traitement de fond et sa surveillance nécessitent une collaboration étroite entre le spécialiste en médecine générale et le rhumatologue.
Le tableau 18.4 et la figure 18.12 reprennent les recommandations nationales de 2017 en fonction des formes de spondyloarthrites. Le tableau 18.5 résume les indications des traitements de fond dans les spondyloarthrites.
Tableau 18.4 : Indications des anti-TNF dans la spondyloarthrite (SpA).
L'ASDAS et le BASDAI sont deux scores d'activité de la forme axiale de la maladie. ASDAS : Ankylosing Spondylitis Disease Activity Score. BASDAI : Bath Ankylosing Spondylitis Disease Activity. NAG : nombre d'articulations gonflées ; NAD : nombre d'articulations douloureuses.SpA axiale SpA périphérique enthésitique SpA périphérique articulaire Réponse aux AINS insuffisante
et
ASDAS ≥ 2,1
ou
BASDAI ≥ 4
et⁎
Rx+ ou inflammation à l'IRM
CRP+Réponse aux AINS insuffisante ± infiltration
et
CRP élevée ou inflammation à l'IRM
Douleur ≥ 4Réponse aux AINS insuffisante ± infiltration
et
échec ≥ 1 DMARD
et
NAG et NAD ≥ 3⁎⁎ET
Conviction du rhumatologue de débuter le traitement
⁎ Sauf cas particuliers.
⁎⁎ Nombre inférieur si coxite ou arthrite réfractaire aux infiltrations ou progression radiographique.
(D'après : Wendling D, Lukas C, Prati C, et al. 2018 update of French Society for Rheumatology (SFR) recommendations about the everyday management of patients with spondyloarthritis. Joint Bone Spine 2018 ;85(3):275–84.)Tableau 18.5
Indications dans la spondyloarthrite ankylosante (SA), la spondyloarthrite axiale non radiographique et le rhumatisme psoriasique (RP).Classe DCI Type de molécule Forme en rhuma-tologie RP SA SpA axiale non radio-graphique Anti-TNFα Adalimumab Anticorps monoclonal humain SC ✓ ✓ ✓ Étanercept Protéine de fusion SC ✓ ✓ ✓ Golimumab Anticorps monoclonal humain SC ✓ ✓ ✓ Certolizumab pegol Anticorps monoclonal humain + polyéthylène glycol SC ✓ ✓ ✓ Infliximab Anticorps monoclonal chimérique IV ✓ ✓ – Anti-IL-17/IL-17R Sécukinumab Anticorps monoclonal humain anti-IL-17A SC ✓ ✓ ✓ Ixékizumab Anticorps monoclonal humanisé anti-IL-17A SC ✓ ✓ ✓ Anti-IL-12/IL-23 Ustékinumab Anticorps monoclonal humain anti-IL-12/IL-23 (p40) SC ✓ – – Modulation de l'activation des LT via CD28 Abatacept Protéine de fusion IV, SC ✓⁎ – – PDE4i Aprémilast Inhibiteur de la phosphodiestérase de type 4 Per os ✓ – – JAKi Tofacitinib Inhibiteur des Janus kinases 1 et 3 Per os ✓ – – Méthotrexate Per os, SC, IM ✓ – Léflunomide Per os ✓ –
SC : sous-cutanée ; IV : intraveineux ; IM : intramusculaire.
⁎ Non remboursé.
* Actuellement en première intention en général. ** Dans certains cas particuliers.
(D'après : Wendling D, Lukas C, Prati C, et al. 2018 update of French Society for Rheumatology (SFR) recommendations about the everyday management of patients with spondyloarthritis. Joint Bone Spine 2018 ;85(3):275–84.)
L'arrêt du tabagisme est une mesure non pharmacologique indispensable, à discuter, expliquer, et vérifier.
Le tabac est un facteur de mauvais pronostic à plusieurs titres :
Prise en compte des comorbidités :
L'activité physique régulière (sports quels qu'ils soient) et la kinésithérapie accompagnée sont indispensables. Elles vont réduire le risque d'ankylose en mauvaise position. Toutefois, c'est la rééducation supervisée qui est essentielle : autograndissement, postures anti-cyphose, mobilisation des hanches en extension, rééducation respiratoire. Les biomédicaments n'ont pas d'effet sur le risque d'ankylose et ne dispensent pas de la kinésithérapie.
Les SpA peuvent comporter des manifestations axiales prédominantes. Il s'agit tout particulièrement de la spondyloarthrite ankylosante qui peut aboutir à une ankylose rachidienne invalidante avec perte de la lordose lombaire puis cyphose lombaire, exagération de la cyphose dorsale pouvant conduire à une atteinte vicieuse en flessum des hanches. L'ankylose peut porter sur le rachis cervical, à haut risque de fractures transdiscales ou corporéales, très instables et à risque de compression médullaire, en cas de chute.
De même, l'atteinte des articulations costovertébrales peut être responsable d'un syndrome restrictif invalidant.
Il est absolument indispensable de prévenir l'ankylose rachidienne chez les patients ayant une affection évolutive. Le travail kinésithérapique en extension rachidienne, avec travail de l'amplitude respiratoire est indispensable.
La chirurgie peut être indiquée dans le cas de remplacement prothétique articulaire (coxite en particulier) ou de libération articulaire (articulation temporomandibulaire ankylosée), plus rarement pour effectuer une ostéotomie rachidienne de correction des cyphoses dorsales majeures (perte du regard horizontal, troubles de déglutition).
Adaptation du poste de travail si nécessaire.
La spondyloarthrite sévère fait partie de la liste des trente maladies pouvant donner droit à l'exonération du ticket modérateur (ALD, affections de longue durée) : prise en charge à 100 %.
Le suivi d'un patient spondylarthritique doit se fonder sur l'évaluation régulière des différents symptômes cliniques (tous les 3 à 6 mois selon l'évolutivité de la maladie). Il permet l'évaluation de l'activité de la maladie et de son retentissement fonctionnel, et l'évaluation du traitement (efficacité, tolérance).
L'atteinte axiale est évaluée par l'échelle visuelle analogique (EVA) rachidienne, le nombre de réveils nocturnes mais également la mesure régulière, par exemple de façon annuelle, de la taille, des courbures physiologiques (indice de Schöber, mesure de la lordose lombaire, mais également de la cyphose cervicale ou de la cyphose dorsale) et de l'ampliation thoracique.
L'atteinte articulaire périphérique impose l'examen clinique systématique de l'ensemble des articulations (nombre d'articulations douloureuses, nombre d'articulations gonflées), en particulier des coxofémorales pour ne pas méconnaître une coxopathie évolutive.
L'enthésopathie justifie la palpation des différentes enthèses : on relève le nombre d'enthèses douloureuses.
Les différentes manifestations doivent être recherchées et évaluées :
Les scores d'activité sont également fréquemment utilisés :
Chez les patients ayant un syndrome inflammatoire biologique, la surveillance régulière de la CRP (± VS) est une aide dans l'évaluation de l'activité de la maladie.
Lors de l'utilisation prolongée des AINS, un dosage de la créatininémie.
Dans les formes évolutives, la réalisation régulière (par exemple, tous les 2 ou 3 ans) de radiographies du rachis cervical de profil, du rachis lombaire de face et de profil et du bassin est nécessaire, en particulier quand des syndesmophytes sont présents au diagnostic (valeur pronostique vers l'ankylose plus étendue).
La coxite, le début précoce (avant 16 ans), la dactylite, l'importance du syndrome inflammatoire, la résistance aux AINS, le tabagisme actif, la présence au diagnostic de syndesmophytes sont classiquement des facteurs de mauvais pronostic.
L'ankylose rachidienne, l'atteinte des hanches peuvent être source d'un handicap important, de même que l'atteinte restrictive pulmonaire.
L'indice fonctionnel BASFI (Bath Ankylosing Spondylitis Functional Index, autoquestionnaire de dix items) permet d'évaluer le retentissement fonctionnel.
Elles s'observaient essentiellement lors des formes anciennes en l'absence de traitement :
Ces différentes complications sont rares.
Le patient doit être informé des effets secondaires possibles des différents traitements et leur survenue doit être régulièrement recherchée (examen clinique, surveillance biologique).
Légende :
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Connaissances spécifiques à un DES donné (troisième cycle).