Myélome multiple des os
La gammapathie monoclonale de signification indéterminée (MGUS, Monoclonal Gammopathy of Undetermined Significance, pour les Anglo-Saxons) est la plus fréquente des gammapathies monoclonales.
Les patients avec MGUS nécessitent donc d'être suivis régulièrement.
L'électrophorèse des protéines sériques (EPS) peut être répétée à 6 mois puis de façon annuelle. La surveillance sera ensuite adaptée en fonction de l'existence ou non de facteurs de risque de progression au diagnostic, de l'évolution de la gammapathie (stabilité ou augmentation progressive).
Le myélome multiple, ou maladie de Kahler, est une hémopathie maligne liée à une prolifération clonale de plasmocytes tumoraux dans la moelle osseuse.
Une immunoglobuline monoclonale, identifiée par sa chaîne lourde et/ou sa chaîne légère, est synthétisée par un clone de lymphocytes B ; elle est le témoin d'une prolifération lymphocytaire B clonale qui peut être bénigne ou maligne.
Le myélome multiple représente 10 % des hémopathies malignes. C'est une affection du sujet de plus de 50 ans. Son incidence augmente avec l'âge ; l'âge moyen au diagnostic est de 64 ans. Il est légèrement plus fréquent chez l'homme que chez la femme.
Le myélome multiple est une maladie très « polymorphe » . Toutes les disciplines médicales peuvent être confrontées aux manifestations d'un myélome non connu :
Le diagnostic repose sur :
Fig. 28-1 :Électrophorèse des protéines sériques.
A. EPS normale. B. EPS révélant un pic monoclonal dans les gammaglobulines.
Hypergammaglobulinémie monoclonale (fig. 28.1B) : présence d'un pic à base étroite et symétrique qui migre dans la zone des γ-globulines lorsqu'il s'agit d'une IgG ou, plus rarement, dans la zone des β-globulines lorsqu'il s'agit d'une IgA.
En cas de myélome à chaînes légères, il faut rechercher une hypogammaglobulinémie. La chaîne légère est éliminée le plus souvent dans les urines et donc non visible sur l'EPS (BU normale et protéinurie positive).
La clonalité doit être confirmée par l'immunoélectrophorèse (IgG >> IgA > IgM ou plus rarement IgD, 1 %, ou IgE, exceptionnelle).
Il a pour but d'apprécier :
Le myélogramme doit être complété par l'analyse caryotypique des plasmocytes médullaires qui a un intérêt pronostique.
Si, exceptionnellement, le myélogramme est normal, la biopsie ostéomédullaire au niveau de l'épine iliaque postérosupérieure doit être réalisée afin de confirmer le diagnostic.
Le caractère symptomatique du myélome dont dépend l'indication du traitement repose sur l'existence de symptômes cliniques ou d'une atteinte d'organe définie par au moins une des anomalies suivantes (critères CRAB) (tableau 28.1) :
Tableau 28.1 : Définition des formes cliniques (HAS, 2010 ; IMWG, 2014).
MGUS | Immunoglobuline monoclonale détectée mais < 30 g/l si IgG et plasmocytose médullaire < 10 % | Pas de symptômes (critères CRAB) |
Myélome multiple asymptomatique ou indolent | Immunoglobuline monoclonale détectée > 30 g/l et/ou plasmocytose médullaire ≥ 10 % | Pas de symptômes (ni critères CRAB, ni critères de malignité) |
Myélome multiple symptomatique | Immunoglobuline monoclonale détectée dans le sérum et ou les urines et/ou plasmocytose médullaire ≥ 10 % | Symptômes : – au moins 1 critère CRAB – et/ou 1 critère SLiM CRAB |
Les examens nécessaires pour mettre en évidence ce composant monoclonal sont :
La découverte d'un pic monoclonal nécessite la réalisation d'un bilan minimal :
Les manifestations osseuses résultent d'une augmentation de l'activité ostéoclastique au contact des plasmocytes : augmentation de la résorption osseuse avec ostéolyse diffuse ou multifocale (fig. 28.2). Fig. 28-2 :
(Source : Inserm 1184.)
Le myélome est responsable de lésion lytique de type lacune « à l'emporte-pièce », ovalaire ou ronde, sans structure interne visible, bien limitée, sans réaction périphérique ; elle est multiple dans 80 % des cas et tous les os peuvent être atteints (fig. 28.3).
Fig. 28-3 :Aspect radiographique. Lacunes multiples « à l'emporte-pièce » du crâne.
Fig. 28-4 :
Aspect IRM (séquence pondérée en T1).Le scanner (fig. 28.5) est indiqué :
Fig. 28-5 : Image lytique en TDM avec lésion lytique de L4 touchant l'arc postérieur.
A. Coupe coronale. B. Coupe horizontale. C. Lésion costale.
Le scanner faible dose (low dose) « corps entier » tend à remplacer les radiographies du squelette dans le bilan initial car plus sensible et spécifique.
L'injection de produit de contraste iodé n'est pas indiquée dans le bilan radiologique. Elle est à éviter du fait du risque d'atteinte rénale .
Le PET-scan est plus sensible que les radiographies standards. Il a son intérêt pour évaluer une localisation extramédullaire de la maladie, pour le bilan d'un plasmocytome couplé à l'IRM panrachidienne, et est en cours d'évaluation pour apprécier la qualité de la rémission complète quand elle survient.
La scintigraphie osseuse n'a aucun intérêt : elle est le plus souvent normale ; les atteintes osseuses myélomateuses sont rarement hyperfixantes car ostéolytiques pures.
La prolifération plasmocytaire médullaire entraîne une raréfaction de l'hématopoïèse normale associant à des degrés divers anémie, thrombopénie, neutropénie.
L'anémie peut être liée à plusieurs mécanismes :
L'absence de plasmocytes normaux, secondaire à l'envahissement tumoral médullaire, peut entraîner une baisse de la synthèse des Ig normales. Ainsi, en cas de myélome, on a très souvent à la fois un pic monoclonal et une hypogammaglobulinémie polyclonale.
L'hypogammaglobulinémie polyclonale favorise les infections bactériennes récidivantes, en particulier ORL et pulmonaires.
Environ 50 % des patients atteints de myélome présentent une atteinte rénale ; celle-ci est due à la production excessive de chaînes légères d'Ig monoclonales.
Elle est fréquente : 80 % des insuffisances rénales aiguës au cours du myélome multiple sont liées à cette tubulopathie.
Elle est le fait de l'obstruction tubulaire par des cylindres composés de l'agrégation de chaînes légères néphrotoxiques et d'une protéine, la protéine de Tamm et Horsfall, synthétisée par les cellules de la branche ascendante de l'anse de Henlé.
La précipitation des cylindres est favorisée par :
L'utilisation de médicaments néphrotoxiques et de produits de contraste iodés est donc formellement contre-indiquée dans le myélome .
La tubulopathie de type proximal avec syndrome de Fanconi est très rare ; elle est le témoin d'une toxicité particulière des chaînes légères kappa vis-à-vis des cellules tubulaires.
Elle associe une tubulopathie avec glycosurie à glycémie normale, aminoacidurie généralisée, hypophosphatémie, acidose chronique.
L'hypercalcémie aiguë qui accompagne volontiers les myélomes avec atteinte osseuse sévère peut entraîner un syndrome polyuro-polydipsique sévère, susceptible de se compliquer d'une déshydratation extracellulaire et d'une hypovolémie. Cette hypovolémie peut se compliquer d'une insuffisance rénale fonctionnelle parfois révélatrice du myélome.
Sa fréquence est variable : 5 à 10 %. Elle se rencontre essentiellement dans le myélome à chaînes légères lambda. Les localisations tissulaires, rénales, cardiaques, neurologiques, synoviales, et la sémiologie clinique sont celles décrites dans l'amylose AL.
L'amylose et la maladie des dépôts se caractérisent par une protéinurie glomérulaire faite majoritairement d'albumine. L'électrophorèse des protéines urinaires permet de faire la différence avec une néphropathie tubulaire liée à la précipitation de chaînes légères. Cliniquement, le tableau associe néphropathie glomérulaire avec protéinurie, voire syndrome néphrotique.
La maladie des dépôts de chaînes légères, de chaînes lourdes ou d'immunoglobuline entière est également dénommée syndrome de Randall.
À l'heure actuelle, la guérison du myélome ne peut pas être obtenue. L'objectif est d'atteindre une rémission la plus longue possible. Le traitement fait régresser la dysglobulinémie, corrige l'anémie, l'hypercalcémie, l'insuffisance rénale. L'os peut se reconstruire même si cela n'est pas le plus fréquent. Puis, la maladie évolue à nouveau.
Cependant, les progrès thérapeutiques ont permis d'allonger la survie. Chez le sujet âgé de moins de 65 ans, la survie médiane est d'environ 5 ans grâce à l'apport d'une phase de chimiothérapie à haute dose suivie d'autogreffe de cellules souches. Chez les patients plus âgés inéligibles à l'intensification suivie d'autogreffe, la survie médiane est moins bonne entre 3 et 5 ans.
Différents critères de pronostic sont utilisés :
Tableau 28.2 : Score pronostique international (ISS 2005). Stade I Stade II Stade III Critères β2-microglobuline < 3,5 mg/l
et
Albumine > 35 g/lβ2-microglobuline < 3,5 mg/l
et
Albumine < 35 g/l
ou
3,5 mg/l < β2-microglobuline < 5,5 mg/lβ2-microglobuline > 5,5 mg/l Survie médiane 62 mois 45 mois 29 mois
La surveillance est clinique et biologique. Elle a pour but d'apprécier l'efficacité et la tolérance du traitement et de dépister les rechutes du myélome.
Le traitement doit permettre d'obtenir la disparition de la douleur et l'amélioration de l'état général. L'aggravation clinique doit faire rechercher une reprise évolutive de la pathologie.
La surveillance biologique comprendra :
Le traitement antitumoral s'adresse aux myélomes symptomatiques (critères CRAB ou SLiM CRAB). Il a pour but de contrôler la prolifération des cellules myélomateuses.
Les traitements possibles du myélome symptomatique sont :
Le choix du traitement est adapté à l'âge (± 65 ans), au statut physiologique et aux comorbidités (fig. 28.6) ; la qualité de vie des patients doit être une priorité et ces stratégies permettent au patient de mener le plus souvent une vie normale :
Fig. 28-6 :Stratégie thérapeutique pour la prise en charge du myélome en première ligne.
VTD : bortézomib-thalidomide-dexaméthasone ; VRD : bortézomib-lénalidomide-dexaméthasone ; VMP : melphalanprednisone-bortézomib ; Rd : lénalidomide-dexaméthasone ; MPT : melphalan-prednisone-thalidomide.
(D'après : Annals of Oncology 2017 ;28 (Suppl. 4):iv52–iv61.)
Les bisphosphonates réduisent l'incidence des complications osseuses (douleur, fracture, hypercalcémie) ; parallèlement, ils améliorent la qualité de vie.
On utilise préférentiellement l'acide zolédronique en perfusion mensuelle.
L'effet indésirable principal est l'ostéonécrose de la mâchoire et nécessite un bilan bucco-dentaire préalable (excepté si hypercalcémie symptomatique). Ce risque augmente de manière significative avec la durée de traitement et la dose cumulée.
La radiothérapie est utilisée :
La cimentoplastie (introduction percutanée de ciment liquide par injection directe) ou la kyphoplastie (introduction de ciment à forte viscosité après dilatation par des ballons intravertébraux) sont particulièrement indiquées chez les patients présentant des douleurs rachidiennes avec ou sans fracture. Ils peuvent également stabiliser une lésion préfracturaire.
L'IMWG recommande la vertébroplastie :
Le traitement chirurgical peut être indiqué :
Il s'agit d'un acronyme correspondant à l'association d'une :
Il survient surtout chez l'homme vers 50 ans. La moyenne de survie est de 165 mois. Le plus souvent s'y associe une lésion osseuse condensante, unique ou multiple.
Il s'agit d'une lésion plasmocytaire unique, majoritairement osseuse. Le caractère unique doit être confirmé par un PET-scan. Un composant monoclonal sanguin ou urinaire peut être objectivé. Le myélogramme est normal et les examens d'imagerie ne retrouvent pas d'autres lésions osseuses. Son traitement repose sur de la radiothérapie seule. En l'absence de traitement complètement éradicateur, le plasmocytome solitaire évolue habituellement vers un myélome quelquefois sous la forme d'un plasmocytome multifocal, dont le suivi et le traitement sont les mêmes que pour un myélome multiple.
La leucémie avec plasmocytes circulants est une forme gravissime, rapidement létale.
La maladie de Waldenström est définie par :
Elle peut associer une hypertrophie ganglionnaire, splénique ou hépatique, des signes généraux (amaigrissement, sueurs), une anémie de mécanismes divers.
L'Ig peut être responsable d'un syndrome d'hyperviscosité avec céphalées, vertiges, d'une activité auto-immune (cryoglobulinémie, anti-MAG avec neuropathie, hémolyse).
Voir l'item 318 dédié.
Il s'agit d'une prolifération monoclonale de lymphocytes B matures, de siège médullaire et sanguin. Les lymphocytes sont le plus souvent normaux morphologiquement, mais anormaux au plan fonctionnel.
Cette pathologie se caractérise par :
Par ailleurs, il existe parfois :
Plus rarement, l'immunoglobuline monoclonale révèle un lymphome malin non hodgkinien B ou une amylose.
Légende :
Dans le respect de la Réforme du deuxième cycle des études médicales (R2C), les connaissances rassemblées sur ce site sont hiérarchisées en rang A, rang B et rang C à l'aide de balises et d'un code couleur :
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Connaissances essentielles à la pratique mais relevant d'un savoir plus spécialisé que tout interne d'une spécialité doit connaître au premier jour de son DES.
Connaissances spécifiques à un DES donné (troisième cycle).