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Spondylarthrite inflammatoire
Le concept de spondyloarthrite (SpA, anciennement appelée spondylarthropathie) regroupe des rhumatismes inflammatoires chroniques qui partagent certaines de leurs manifestations cliniques ainsi qu'un terrain génétique commun. En font partie la spondylarthrite ankylosante, le rhumatisme psoriasique, les arthrites réactionnelles, les arthrites associées aux entérocolopathies inflammatoires et les SpA indifférenciées ou spondyloarthrite (fig. 19.1).
Fig. 19-1 : Le groupe des spondyloarthrites (SpA).
Afin de mieux caractériser le phénotype de l'atteinte, on peut ajouter les éventuelles manifestations extra-articulaires concomitantes. Par exemple :
D'après : Claudepierre P et al. Rev Rhum 2012 : 79 ; 377-8.
La prévalence globale de l'ensemble des spondyloarthrites est de 0,35 % en France, le sex-ratio étant de 1,5 (hommes/femmes). La majorité des cas débute chez l'adulte jeune (avant trente-cinq ans ou quarante ans).
Les manifestations cliniques des spondyloarthrites combinent de façon variable :
Il s'agit du syndrome axial « inflammatoire » traduisant l'inflammation des enthèses du rachis et des sacro-iliaques. Les enthèses sont les insertions osseuses des tendons, des ligaments, des capsules et des fascias.
Il s'agit de dorsolombalgies présentes depuis au moins trois mois, d'horaire inflammatoire (réveil nocturne, dérouillage matinal de plus de trente minutes), aggravées par le repos et cédant à l'activité physique.
Elles débutent habituellement au niveau de la charnière dorsolombaire puis s'étendent de façon descendante puis ascendante.
L'examen clinique montre une raideur axiale (évaluée par la mesure de l'indice de Schöber ou l'inflexion latérale lombaire) puis l'ankylose rachidienne dont l'un des premiers signes est la disparition de la lordose lombaire physiologique (évaluée par la distance L3-mur) dans les stades évolués.
La sacro-iliite se traduit par l'apparition de douleurs de la fesse d'horaire le plus souvent inflammatoire. La douleur fessière est soit unilatérale, soit bilatérale, soit à bascule. Cette pygalgie, ou fessalgie, encore dénommée sciatalgie tronquée (ce qui est un mauvais terme puisque le nerf sciatique n'est pas en cause), est une douleur en pleine fesse irradiant parfois en dessous du pli fessier. Elle n'a aucun caractère neurogène (absence de dysesthésies, absence de paroxysme douloureux), ni trajet radiculaire (pas d'irradiation complète au membre inférieur, absence d'impulsivité à la toux), ni de signe neurologique objectif associé. Cette pygalgie peut être déclenchée par les manœuvres de cisaillement des sacro-iliaques : cela impose plusieurs manœuvres maintenues au moins 20 secondes chacune, et dont trois au moins doivent être positives c'est-à-dire déclencher la douleur spontanée.
Il s'agit classiquement d'une oligoarthrite des membres inférieurs touchant volontiers les grosses articulations (par ordre de fréquence, le genou puis la cheville).
L'atteinte coxofémorale est fréquente et redoutable (certains classent la coxite dans les atteintes rachidiennes axiales). On peut noter également des arthrites des articulations interphalangiennes distales (dans le rhumatisme psoriasique en particulier) ou des dactylites (atteinte inflammatoire de l'ensemble d'un doigt ou d'un orteil).
Il s'agit de l'atteinte caractéristique des spondyloarthrites : c'est la traduction clinique de l'enthésopathie inflammatoire, ou enthésite.
Toutes les enthèses peuvent être atteintes, mais les enthésites siègent de façon préférentielle aux membres inférieurs. L'atteinte la plus fréquente et la plus caractéristique est la talalgie.
La talalgie est d'horaire inflammatoire, survenant le matin au lever lors du premier pas, elle s'améliore au cours de la journée. Elle est très évocatrice lorsque, survenant chez un sujet jeune, elle est bilatérale ou à bascule.
À la palpation, on note soit une talalgie plantaire inférieure traduisant l'aponévrosite plantaire inférieure siégeant sous le calcanéus, soit une talalgie postérieure correspondant à l'enthésopathie du tendon achilléen ou traduisant l'existence d'une bursite pré- ou rétro-achilléenne.
Il faudra savoir systématiquement rechercher l'existence d'autres enthésites par la palpation et la mise en tension systématique des enthèses (tubérosité tibiale antérieure, grand trochanter, ischion).
L'orteil ou le doigt « en saucisse » correspond à une tuméfaction globale de l'orteil ou du doigt (fig. 19.2). Il s'agit dans la grande majorité des cas de l'association d'une enthésopathie inflammatoire distale, d'une ténosynovite, avec une arthrite le plus souvent tripolaire. Au niveau du premier rayon, elle ne doit pas être confondue avec l'atteinte exclusive de l'articulation métatarsophalangienne (rencontrée dans la goutte).
Fig. 19-2 : Tuméfaction et rougeur du troisième orteil : aspect « en saucisse ».
L'atteinte des articulations sternoclaviculaires et manubriosternale, voire chondrosternales, peut accompagner les manifestations axiales de la maladie.
L'une des caractéristiques des spondyloarthrites est l'existence de manifestations cliniques communes extra-articulaires, dont la fréquence varie en fonction de la forme clinique. Elles peuvent précéder les manifestations rhumatologiques, elles doivent être recherchées par l'interrogatoire dans les antécédents du patient.
Il s'agit d'une uvéite aiguë antérieure, non granulomateuse dans la plupart des cas, souvent pauci-symptomatique mais parfois sévère. Cette uvéite est uni- ou bilatérale, voire à bascule. Elle s'associe rarement à une atteinte postérieure mais sa répétition sans traitement efficace (collyres cortisoniques et mydriatiques) peut conduire à des synéchies.
Le dépistage et la surveillance de cette atteinte sont absolument nécessaires. Elle peut survenir dans 20 % des cas environ et être inaugurale.
Elle se traduit le plus souvent par des diarrhées, d'allure banale mais aussi parfois glairosanglantes. Toute diarrhée ou amaigrissement inexpliqué chez un patient suspect de spondyloarthrite doit faire rechercher une maladie de Crohn ou une rectocolite hémorragique.
Les autres signes des entérocolopathies sont à rechercher : fissurations anales, pancolite inflammatoire, sténoses inflammatoires, etc. La prise en charge multidisciplinaire de ces atteintes et la collaboration avec un gastroentérologue sont absolument nécessaires.
Toutes les manifestations du psoriasis sont à prendre en compte. Certaines atteintes sont plus particulièrement associées au rhumatisme psoriasique :
Ces trois atteintes font d'ailleurs partie des zones dites bastions c'est-à-dire résiduelles à distance d'une poussée cutanée et donc à rechercher systématiquement.
D'autres localisations sont à connaître et à rechercher : psoriasis vulgaire en plaques, psoriasis en gouttes, pustulose palmoplantaire (à rapprocher du syndrome SAPHO : Synovite, Acné, Pustulose palmoplantaire, Hyperostose et Ostéite), voire maladie de Verneuil ou hydrosadénite suppurée à rechercher dans les creux axillaires et la région anogénitale.
Le psoriasis précède le plus souvent de 10 ans en moyenne la survenue du rhumatisme psoriasique, mais des formes synchrones sont possibles, voire plus rarement des rhumatismes psoriasiques sans psoriasis. Dans ce cas un psoriasis dans la famille est une des clés du diagnostic (critère CASPAR).
La prise en charge peut nécessiter une collaboration avec le dermatologue pour convenir des traitements à action commune peau et système musculosquelettique.
À côté des valvulopathies, tardives (cf. infra), il faut signaler la possibilité de troubles du rythme ou de la conduction au moment des poussées inflammatoires de la maladie.
Ces différentes manifestations ont été utilisées pour établir des critères de classification des spondyloarthrites : les critères de Bernard Amor7 (tableau 19.1) et ceux de l'ESSG (European Spondylarthropathy Study Group [tableau 19.2]), ayant une sensibilité respective de 85 % et de 87 %, et une spécificité de 90 % et de 87 %, et plus récemment les critères de classification de l'ASAS group (tableau 19.3). Ces derniers sont actuellement ceux utilisés afin de classer les patients.
Tableau 19.1 : Critères d'Amor (à titre indicatif).
Catégorie | Critère | Points |
---|---|---|
Signes cliniques ou histoire clinique | Douleurs nocturnes lombaires ou dorsales et/ou raideur matinale lombaire ou dorsale | 1 point |
Douleurs fessières uni- ou bilatérales | 1 point | |
Douleurs fessières à bascule | 2 points | |
Oligoarthrite asymétrique | 2 points | |
Doigt ou orteil « en saucisse » | 2 points | |
Talalgie ou autre enthésopathie | 2 points | |
Iritis ou uvéite antérieure aiguë | 2 points | |
Uréthrite non gonococcique ou cervicite moins d'un mois avant le début d'une arthrite | 1 point | |
Diarrhée moins d'un mois avant le début d'une arthrite | 1 point | |
Présence ou antécédent de psoriasis et/ou de balanite et/ou d'entérocolopathie chronique | 2 points | |
Signes radiologiques | Sacro-iliite radiologique ≥ stade 2 si bilatérale ou stade 3 si unilatérale | 3 points |
Terrain génétique | Présence de l'antigène HLA-B27 ou antécédents familiaux de pelvispondylite, d'arthrite réactionnelle (ex-syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter), de syndrome de Reiter, de psoriasis, d'entérocolopathies chroniques | 2 points |
Sensibilité au traitement | Amélioration en 48 heures des douleurs par AINS et/ou rechute rapide (48 heures) des douleurs à leur arrêt | 2 points |
Critères majeurs | - Douleurs rachidiennes inflammatoires (début avant 45 ans, amélioration par l'exercice, avec raideur matinale et durée > 3 mois) - Synovites asymétriques ou prédominantes aux membres inférieurs |
Critères mineurs | - Antécédents familiaux de spondyloarthrite ou d'uvéite ou d'entérocolopathie - Psoriasis - Maladie inflammatoire intestinale (entérocolopathie) - Urétrite, cervicite ou diarrhée aiguë dans le mois précédant l'arthrite - Diarrhée aiguë - Douleurs fessières à bascule - Enthésopathie - Sacro-iliite radiologique (bilatérale si grade ≥ 2, unilatérale si grade > 3) |
Sacro-iliite à l'imagerie* et au moins un signe de SpA** Ou HLA-B27 positif et au moins deux signes de SpA** | * Sacro-iliite à l'imagerie : - inflammation active (aiguë) à l'IRM fortement suggestive de sacro-iliite associée à une SpA - sacro-iliite radiologique selon les critères modifiés de New York |
** Signes de SpA : - rachialgie inflammatoire - arthrite - enthésite (talon) - uvéite - dactylite - psoriasis - maladie de Crohn/rectocolite hémorragique - bonne réponse aux AINS - antécédent familial de SpA - HLA-B27 - CRP élevée |
La spondylarthrite ankylosante est la forme la plus typique et la plus sévère, caractérisée par une atteinte du squelette axial (rachis et sacro-iliaques) pouvant conduire à une ankylose. Sur le plan clinique, elle se manifeste par un syndrome pelvirachidien prédominant. L'atteinte sacro-iliaque radiologique, la sacro-iliite stade 2 bilatérale ou stade 3, est indispensable pour porter le diagnostic de spondylarthrite ankylosante, selon les critères de classification de New York modifiés (tableau 19.4).
Tableau 19.4 : Critères de New York modifiés pour la spondylarthrite.
Critères cliniques | - Lombalgies avec raideur de plus de trois mois, améliorées à l'effort, mais ne cédant pas au repos - Limitation des mouvements du rachis lombaire à la fois dans le plan frontal et sagittal - Limitation de l'ampliation thoracique par rapport aux valeurs normales corrigées pour l'âge et le sexe |
Critères radiologiques | Sacro-iliite bilatérale de grade ≥ 2, ou sacro-iliite unilatérale de grade ≥ 3 |
Score : la spondylarthrite est définie si le critère radiologique est associé à au moins un des critères cliniques |
Pour la description du rhumatisme psoriasique, se reporter au chapitre 6. Il s'agit d'une des formes les plus fréquentes de SpA périphérique.
Les arthrites réactionnelles sont des arthrites aseptiques parfois associées à une conjonctivite, une urétrite chez l'homme, une cervicite chez la femme et, survenant quelques semaines après, une infection génitale ou digestive. Le syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter est la forme la plus complète d'arthrite réactionnelle et est défini par la triade urétrite-conjonctivite-arthrite.
Les germes en cause dans l'urétrite ou la diarrhée sont le plus fréquemment : Chlamydia trachomatis, Shigella flexneri, Yersinia enterocolitica et Yersinia pseudotuberculosis, Salmonella enteritidis et Salmonella typhimurium, Campylobacter jejuni.
L'association au gène HLA-B27 concerne 50 à 95 % des cas.
L'évolution de l'atteinte articulaire se fait sur un mode chronique dans 10 à 20 % des cas, pouvant évoluer vers une spondylarthrite ankylosante.
Dans 10 à 20 % des maladies de Crohn et des rectocolites hémorragiques, surviennent des arthrites périphériques ou une sacro-iliite radiologique le plus souvent asymptomatique. Une forme axiale complète remplissant les critères de spondylarthrite ankylosante est plus rare : moins de 5 %. Classiquement, l'atteinte périphérique évolue parallèlement à l'atteinte digestive, contrairement à l'atteinte axiale qui évolue pour son propre compte. La maladie de Verneuil est une association connue.
Les SpA indifférenciées sont des SpA répondant aux critères de l'ESSG ou d'Amor ou à ceux de l'ASAS. L'enthésite périphérique est la manifestation clinique la plus fréquente, présente chez 92 % des patients. Il s'agit habituellement de formes plus bénignes mais dont l'évolution peut se faire vers une forme différenciée.
On observe une agrégation familiale des SpA chez 20 à 30 % des patients (spondyloarthrite, uvéite, entérocolopathie, psoriasis, présence du gène HLA-B27) avec une coségrégation des différentes manifestations cliniques, indiquant des facteurs de prédisposition communs aux différentes formes de spondyloarthrites.
HLA-B27 qui est un allèle normal du complexe majeur d'histocompatibilité (CMH) est très fortement associé avec la spondylarthrite ankylosante (il s'agit de l'une des plus fortes associations actuellement connues entre un antigène du système HLA et une maladie, avec un risque relatif [RR] supérieur à 200). La prévalence d'HLA-B27 dans la population générale caucasienne est de 6 à 8 %. Elle est exceptionnelle chez les sujets à peau noire où sa présence est un élément sémiologique encore plus élevé. La prévalence d'HLA-B27 parmi les malades atteints de spondylarthrite ankylosante est supérieure à 90 %, de 63 - à 75 % parmi les malades souffrant d'arthrite réactionnelle (ou de syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter), de 50 à 70 % pour le rhumatisme psoriasique et les rhumatismes associés aux entérocolopathies inflammatoires.
Bien qu'il existe plusieurs modèles animaux permettant de les étudier, la physiopathologie précise des SpA reste actuellement mal connue. Plusieurs hypothèses physiopathologiques sont évoquées : HLA-B27 porterait des motifs analogues à certains déterminants antigéniques bactériens (mimétisme moléculaire), ce qui pourrait faciliter, à l'occasion d'une infection bactérienne, une rupture de la tolérance vis-à-vis d'HLA-B27. Le rôle de présentation antigénique de la molécule HLA de classe I, ainsi que l'isolement de bactéries ou de constituants bactériens dans le tissu synovial ou le liquide articulaire au cours des arthrites réactionnelles plaident en faveur d'une origine microbienne des SpA. Dans cette hypothèse, HLA-B27 empêcherait l'élimination des bactéries.
L'enthèse désigne la zone d'ancrage dans l'os de différentes structures fibreuses (les ligaments, les tendons, les capsules articulaires, les fascias). L'atteinte inflammatoire des enthèses (ou enthésites), axiales ou périphériques, est un phénomène central au cours des SpA, par opposition à la polyarthrite rhumatoïde.
Il existe un grand nombre d'enthèses dans l'organisme, tant au voisinage des articulations synoviales, qu'au voisinage des amphiarthroses (symphyse pubienne, articulation manubriosternale, disque intervertébral), ou au voisinage des diarthroses fibreuses (articulation sacro-iliaque, sterno- ou acromioclaviculaire).
L'enthésite fait intervenir les mécanismes habituels de l'inflammation. Des études fondamentales et cliniques récentes ont montré le rôle important joué par le TNFα, expliquant ainsi la grande efficacité des biothérapies anti-TNFα au cours des spondyloarthrites.
L'enthésite se traduit par la douleur locale de type inflammatoire. Elle est réveillée à l'examen physique par la pression et par la mise en tension de l'enthèse. Une tuméfaction locale peut se voir en cas d'enthésite superficielle et très inflammatoire.
Les enthésites prédominent aux membres inférieurs : les plus fréquentes sont calcanéennes, responsables de talalgie plantaire ou postérieure dans 15 à 40 % des cas, puis viennent les enthésites rotuliennes.
Les clichés du rachis cervical, thoracique et lombaire de face et de profil, et du bassin de face sont nécessaires pour mettre en évidence des lésions caractéristiques des spondyloarthrites. Au rachis cervical, il faut des clichés face bouche ouverte, profil et profil en flexion et extension car les atteintes ressemblent à celles de la PR, en particulier dans le rhumatisme psoriasique. Les clichés de trois quarts et de face sont inutiles. En fonction des manifestations cliniques, d'autres clichés peuvent être demandés.
Il faudra rechercher sur la radiographie conventionnelle les différents stades évolutifs de l'enthésopathie :
stade 0, infraradiologique, correspondant à l'inflammation de la zone d'enthèse sans traduction radioclinique ;
stade I : érosion ou irrégularité du cortex et ostéopénie sous-chondrale à l'insertion osseuse de l'enthèse ;
stade II : apparition d'une érosion avec ébauche d'apposition périostée ;
stade III : apparition d'un enthésophyte ; il s'agit d'une ossification cicatricielle le long de l'enthèse (fig. 19.3 - et 19.4).
Fig. 19-3 : Atteinte caractéristique de la charnière thoracolombaire avec, à la phase de reconstruction, une ossification en « pont » dénommée syndesmophyte.
Fig. 19-4 : Radiographie d'une coxite gauche.
Pincement global de l'interligne coxofémoral, sans signe de construction, aspect irrégulier de l'ischion en rapport avec une enthésopathie.
Fig. 19-5 : Radiographie du bassin de face : condensation des berges des deux articulations sacro-iliaques et aspect flou de l'interligne.
Fig. 19-6 : Atteinte sacro-iliaque caractérisée par des érosions et des lésions d'ostéocondensation irrégulières des deux berges donnant l'impression d'un « pseudo-élargissement » (scanner).
Fig. 19-7 : Atteinte sacro-iliaque plus évoluée avec une fusion des berges (scanner).
Fig. 19-8 : Radiographie du calcanéus de profil, aspect d'érosion active de l'angle postérosupérieur.
IRM : de nombreux travaux suggèrent que l'IRM du rachis thoracique et lombaire et l'IRM des sacro-iliaques apportent des arguments utiles pour le diagnostic précoce des SpA, mettant en évidence des remaniements inflammatoires, précédant les modifications radiologiques (fig. 19.9). Cependant la spécificité de ces lésions semble être médiocre.
Échographie-Doppler, non pas des articulations sacro-iliaques mais des enthésopathies périphériques : elle est également utilisée, mais des études complémentaires sont en cours pour affiner son rôle diagnostique et dans le suivi des patients.
Scintigraphie osseuse au 99mTc : elle ne doit pas être faite systématiquement. Pour certains, elle permet de confirmer le diagnostic d'enthésite et d'analyser simultanément l'ensemble du squelette. Sa spécificité est en revanche faible.
Fig. 19-9 : IRM sacro-iliaque.
A. Séquence T1 : hyposignal sur les deux berges de l'articulation sacro-iliaque, en particulier gauche.
B. Séquence en équivalent de T2 (inversion-récupération) : hypersignal sur les berges de la sacro-iliaque gauche.
On estime que 60 % des patients souffrant de SpA et non traités ont une CRP et/ou une VS anormales, mais le syndrome inflammatoire est habituellement plus modeste que dans les autres rhumatismes inflammatoires. Une élévation importante de la VS ou de la CRP doit faire rechercher une affection associée, tumorale ou infectieuse par exemple.
L'intérêt diagnostique de la recherche du HLA-B27 est discuté. Dans une spondylarthrite ankylosante certaine, la recherche du B27 est inutile.
En revanche, dans certains cas douteux (tableau clinique évocateur mais ne permettant pas d'être affirmatif), on peut demander ce typage, ce qui va alors permettre d'appliquer les nouveaux critères ASAS :
Les explorations fonctionnelles respiratoires simples peuvent servir à documenter l'atteinte respiratoire restrictive et la fibrose pulmonaire dans les maladies évoluées.
L'électrocardiogramme détecte les troubles du rythme et de la conduction (BAV).
L'objectif thérapeutique doit être la rémission ou une activité faible de la maladie.
Comme pour toute affection chronique, l'éducation du patient est fondamentale et fait partie intégrante du traitement.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont la pierre angulaire du traitement des spondyloarthrites : les AINS sont efficaces dans plus de 70 % des cas sur la lombalgie inflammatoire au début de la maladie.
Les AINS sont habituellement rapidement efficaces et si l'AINS est arrêté, une rechute douloureuse est observée en moins de quarante-huit heures.
L'AINS doit être utilisé à dose optimale (quand bien même elle correspond à la dose maximale autorisée) avec, si possible, la prise le soir d'une forme à libération prolongée (forme LP, forme « chrono ») permettant de couvrir toute la phase inflammatoire nocturne et matinale.
En cas d'échec, après une ou deux semaines de traitement, il convient de faire l'essai d'un autre AINS. Au moins deux AINS doivent être essayés successivement sur quatre semaines au total avant de conclure à leur échec. Certaines familles comme les propioniques ou les indoliques sont plus actives. Le diclofénac au long cours n'est plus admis par les autorités sanitaires en raison de son risque cardiovasculaire.
Cependant, chez 25 à 50 % des malades, la SpA reste active malgré le traitement par AINS.
Antalgiques et myorelaxants peuvent être utilisés en complément des AINS, surtout en cas de manifestations enthésopathiques ou rachidiennes ; de plus, ils permettent de faciliter la rééducation.
Un geste local peut être réalisé en cas d'arthrite (infiltration de corticoïdes, synoviorthèse isotopique) ou d'enthésopathie (infiltration cortisonique) rebelle au traitement général. La physiothérapie, l'ergothérapie et les techniques d'appareillage peuvent également être utilisées en fonction des atteintes et de leur évolution sous l'effet du traitement AINS.
Les traitements de fond s'adressent aux patients ne répondant pas, ou répondant partiellement aux AINS et aux gestes locaux. La mise en place d'un traitement de fond et sa surveillance nécessitent une collaboration étroite entre le spécialiste en médecine générale et le rhumatologue. Les traitements de fond, à l'exception de la salazopyrine et des biomédicaments anti-TNFα, ont été mal évalués dans les spondyloarthrites. Le tableau 19.5 et la figure. 19.10 reprennent les recommandations nationales de 2017 en fonction des formes de spondyloarthrites.
Tableau 19.5 : Indications des anti-TNF dans la spondyloarthrite (SpA).
SpA axiale | SpA périphérique enthésitique | SpA périphérique articulaire |
---|---|---|
Réponse AINS insuffisante ET ASDAS ≥ 2,1 Ou BASDAI ≥ 4 ET* RX + ou inflammation IRM CRP + | Réponse AINS insuffisante ± infiltration ET CRP élevée ou inflammation IRM Douleur ≥ 4 | Réponse AINS insuffisante ± infiltration ET échec ≥ 1 DMARD ET NAG et NAD ≥ 3** |
ET Conviction du rhumatologue de débuter le traitement |
Fig. 19-10 : Stratégie thérapeutique dans les spondyloarthrites.
* Actuellement en première intention en général.
** Dans certains cas particuliers.
Source : Wendling D, Lukas C, Prati C, Claudepierre P, Gossec L, Goupille P et al. 2018 update of French Society for Rheumatology (SFR) recommendations about the everyday management of patients with spondyloarthritis. Joint Bone Spine 2018 ; 85(3) : 275-84.
Ils ont une action démontrée sur la forme périphérique et sont sans effet sur la forme axiale.
a. csDMARD
Sulfasalazine (Salazopyrine® )
La sulfasalazine est surtout efficace sur les arthrites périphériques et est sans effet sur la forme axiale.
Méthotrexate
Le méthotrexate hebdomadaire, à faible dose comme dans la PR, est utilisé dans les formes articulaires périphériques, en particulier dans le rhumatisme psoriasique. Son efficacité n'est pas démontrée sur l'atteinte axiale. La tolérance hépatique est moins bonne que dans la PR du fait de comorbidités associées (syndrome métabolique, NASH, alcoolisation).
Léflunomide (Arava® )
Il est utilisé dans le rhumatisme psoriasique périphérique, aux posologies employées dans la PR.
b. tsDMARD (targeted synthetic)
Aprémilast (Otezla® ) : inhibiteur de la phosphodiestérase 4 (PDE4). Il est indiqué dans le rhumatisme psoriasique chez les patients adultes ayant présenté une réponse insuffisante ou une intolérance à un traitement de fond antérieur.
a. Biomédicaments (ou traitements biologiques ou DMARD biologiques) anti-TNFα
Ces traitements ont une efficacité remarquable et rapide. Toutefois, ils ne sont indiqués pour le traitement des formes actives de spondyloarthrite qu'après échec d'au moins deux AINS pendant deux mois, échec des gestes locaux (si ceux-ci sont possibles) et échec des traitements classiques. Un avis d'expert est nécessaire et sa mise en route se fait en milieu hospitalier (prescription initiale hospitalière [PIH], sur ordonnance spéciale après obtention de la prise en charge au titre de l'ALD 30).
b. Biomédicaments anti-TNF
L'étanercept (Enbrel® ), l'adalimumab (Humira® ), le certolizumab (Cimzia® ) et le golimumab (Simponi® ) ont l'autorisation de mise sur le marché (AMM) pour le traitement du rhumatisme psoriasique et des spondyloarthrites axiales (spondylarthrite ankylosante et spondyloarthrite non radiographique) ; l'infliximab (Remicade® ) a l'AMM pour le traitement de la spondylarthrite ankylosante et du rhumatisme psoriasique. Ce sont des traitements en injection sous-cutanée, hormis l'infliximab (intraveineux).
c. Biomédicaments anti-IL-17
Le sécukinumab (Cosentyx® ) est indiqué dans le rhumatisme psoriasique et la spondylarthrite ankylosante en cas d'échec des traitements conventionnels. C'est un traitement en injection sous-cutanée.
d. Biomédicaments anti-IL-23/12
L'ustékinumab (Stelara® ) est indiqué dans le rhumatisme psoriasique en cas d'échec des traitements conventionnels. C'est un traitement en injection sous-cutanée.
C'est le seul biomédicament a n'avoir une efficacité que sur la forme périphérique.
L'arrêt du tabagisme est une mesure non pharmacologique indispensable, à discuter, expliquer, et vérifier. Le tabac est un facteur de mauvais pronostic à plusieurs titres :
Prise en compte des comorbidités :
L'activité physique régulière (sports quels qu'ils soient) et la kinésithérapie accompagnée sont indispensables. Elles vont réduire le risque d'ankylose en mauvaise position. Toutefois, c'est la rééducation supervisée qui est essentielle ; autograndissement, postures anticyphose, mobilisation des hanches en extension, rééducation respiratoire. Les biomédicaments n'ont pas d'effet sur ce risque d'ankylose et ne dispensent pas de la kinésithérapie.
Les SpA peuvent comporter des manifestations axiales prédominantes. Il s'agit tout particulièrement de la spondylarthrite ankylosante qui peut aboutir à une ankylose rachidienne invalidante avec perte de la lordose lombaire puis cyphose lombaire, exagération de la cyphose dorsale pouvant conduire à une atteinte vicieuse en flessum des hanches. L'ankylose peut porter sur le rachis cervical à haut risque de fractures transdiscales ou corporéales, très instables et à risque de compression médullaire, en cas de chutes.
De même, l'atteinte des articulations costovertébrales peut être responsable d'un syndrome restrictif tout à fait invalidant. Il est absolument indispensable de prévenir l'ankylose rachidienne chez les patients ayant une affection évolutive. Le travail kinésithérapique en extension rachidienne, avec travail de l'amplitude respiratoire est indispensable (cf. chapitre 7).
La spondyloarthrite sévère fait partie de la liste des trente maladies (affections de longue durée [ALD]) pouvant donner droit à l'exonération du ticket modérateur.
La chirurgie peut être indiquée dans le cas de remplacement prothétique articulaire (coxite en particulier) ou de libération articulaire (articulation temporomaxillaire ankylosée), plus rarement pour effectuer une ostéotomie rachidienne de correction des cyphoses dorsales majeures (perte du regard horizontal, troubles de déglutition).
Adaptation du poste de travail si nécessaire ; prise en charge à 100 % (ALD) pour les formes sévères ou invalidantes.
Le suivi d'un patient spondylarthritique doit se fonder sur l'évaluation régulière des différents symptômes cliniques (tous les trois à six mois selon l'évolutivité de la maladie). Il permet l'évaluation de l'activité de la maladie et de son retentissement fonctionnel, et l'évaluation du traitement (efficacité, tolérance).
L'atteinte axiale est évaluée par l'échelle visuelle analogique (EVA) rachidienne, le nombre de réveils nocturnes mais également la mesure régulière, par exemple de façon annuelle, de la taille, des courbures physiologiques (indice de Schöber, mesure de la lordose lombaire, mais également de la cyphose cervicale ou de la cyphose dorsale) et de l'ampliation thoracique.
L'atteinte articulaire périphérique impose l'examen clinique systématique de l'ensemble des articulations (nombre d'articulations douloureuses et gonflées), en particulier des coxofémorales pour ne pas méconnaître une coxopathie évolutive.
L'enthésopathie justifie la palpation des différentes enthèses et de noter le nombre d'enthèses douloureuses.
Les différentes manifestations doivent être recherchées et évaluées :
Les scores d'activité sont également fréquemment utilisés :
Chez les patients ayant un syndrome inflammatoire biologique, la surveillance régulière de la VS et/ou de la CRP est une aide dans l'évaluation de l'activité de la maladie.
Dans les formes évolutives, la réalisation régulière (par exemple, tous les deux ou trois ans) de radiographies du rachis cervical de profil, du rachis lombaire de face et de profil et du bassin est nécessaire en particulier quand des syndesmophytes sont présents au diagnostic (valeur pronostique vers l'ankylose plus étendue).
La coxite, le début précoce (avant seize ans), la dactylite, l'importance du syndrome inflammatoire, la résistance aux AINS, le tabagisme actif, la présence au diagnostic de syndesmophytes, sont classiquement des facteurs de mauvais pronostic.
L'ankylose rachidienne, l'atteinte des hanches peuvent être source d'un handicap important, de même que l'atteinte restrictive pulmonaire.
L'indice fonctionnel BASFI (Bath Ankylosing Spondylitis Functional Index, autoquestionnaire de dix items) permet d'évaluer régulièrement les patients.
Elles s'observaient essentiellement lors des formes anciennes en l'absence de traitement.
Ces différentes complications sont rares.
Le patient doit être informé des effets secondaires possibles des différents traitements et leur survenue doit être régulièrement recherchée (examen clinique, surveillance biologique).
La question de la procréation masculine est au premier plan sous salazopyrine (asthénospermie réversible) et méthotrexate (risque mal connu), alors que les biomédicaments n'ont aucune conséquence chez l'homme. Chez la femme, la salazopyrine n'a pas de conséquence et peut être maintenue durant la grossesse à l'inverse le méthotrexate doit être arrêté. Le risque des biomédicaments est des plus discuté et mérite un avis du spécialiste en sachant que le risque tératogène semble absent (site du CRAT, Paris).