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Arthrose
L'arthrose est la principale cause de maladie ostéo-articulaire touchant environ 10 % de la population. Elle affecte principalement le rachis, les genoux, les hanches et les mains. C'est une maladie de l'ensemble des tissus articulaires affectant en premier lieu le cartilage articulaire, mais aussi la membrane synoviale et l'os sous-chondral. Lorsqu'elle devient symptomatique, elle entraîne des douleurs et un handicap fonctionnel. Sa forte prévalence et son retentissement sont à l'origine d'un coût médico-économique considérable, estimé à plus d'un milliard d'euros par an en France. Du fait de la sédentarité qu'elle occasionne et de l'inflammation chronique de bas grade qui lui est associée, une surmortalité cardiovasculaire est observée chez les patients gonarthrosiques.
Le cartilage articulaire est un tissu particulier puisqu'il est avasculaire, non innervé et qu'il comprend un seul type de cellules : les chondrocytes. Les chondrocytes sont donc responsables à la fois de la production et de la dégradation de la matrice extracellulaire du cartilage. Cette matrice est composée à plus de 80 % d'eau et d'un réseau de collagène et de protéoglycanes, fortement hydrophiles. Ce réseau hydraté est à l'origine des propriétés biomécaniques du cartilage articulaire dont le rôle principal est d'absorber les contraintes mécaniques entre deux surfaces osseuses.
La couche profonde du cartilage, appelée cartilage calcifié repose sur une plaque d'os sous-chondral. Les interactions entre l'os et le cartilage sont très importantes et permettent le passage de nutriments et de différents médiateurs. Enfin, la face interne de la capsule articulaire est tapissée de la membrane synoviale responsable de la production du liquide synovial et donc de la lubrification de l'articulation. Elle apporte également des nutriments pour le cartilage articulaire.
Au cours de l'arthrose, le cartilage fait l'objet d'un déséquilibre entre une synthèse défaillante et une destruction enzymatique accrue de la matrice extracellulaire. Suite à un stress mécanique (traumatisme articulaire, microtraumatismes répétés liés à l'excès pondéral) ou biologique, l'ensemble des tissus articulaires va produire des médiateurs pro-inflammatoires responsables d'une inflammation locale dite « de bas grade » car moins importante qu'au cours de la polyarthrite rhumatoïde. Cette inflammation va induire la production accrue d'enzymes protéolytiques telles que les métalloprotéases, capables de digérer la matrice extracellulaire du cartilage. De plus, les chondrocytes, normalement quiescents, vont rentrer dans un cycle de maturation et se différencier en chondrocytes dits hypertrophiques, responsables de la production d'une matrice plus fragile. Les chondrocytes vont également diminuer en nombre du fait d'une mort par apoptose.
L'arthrose n'est pas une maladie isolée du cartilage ; les autres tissus de l'articulation sont touchés : le stress mécanique ou biologique va induire des remaniements de l'os sous-chondral avec l'apparition d'excroissances osseuses, les ostéophytes, mais aussi des anomalies du remodelage osseux avec l'apparition de plaques de sclérose et à l'inverse de géodes, surtout lorsque l'os sous-chondral est mis à nu, une fois le cartilage détruit. Des microfissures (appelées « microcracks ») vont se produire à l'interface os-cartilage permettant le passage de médiateurs inflammatoires et enzymatiques d'un tissu à l'autre.
Enfin, la membrane synoviale, activée par les débris de cartilage articulaire présents dans la cavité articulaire, est le siège d'une inflammation qui est parfois responsable d'un épanchement liquidien, riche en médiateurs pro-inflammatoires et en enzymes protéolytiques, qui en retour sont susceptibles de favoriser plus encore la dégradation du cartilage.
La douleur est quant à elle un phénomène mal compris dans l'arthrose et complexe puisque le cartilage n'est pas innervé. La physiopathologie de la douleur arthrosique fait donc intervenir l'os sous-chondral, la capsule articulaire mise en tension lors des épisodes d'épanchement, la membrane synoviale et des mécanismes complexes de sensibilisation centrale de la douleur.
L'arthrose primitive est initiée sous l'influence de plusieurs facteurs de risque, qui se combinent à une susceptibilité propre du cartilage à développer une arthrose chez certains individus.
On considère schématiquement qu'il existe trois grands phénotypes d'arthrose qui regroupent la majorité des patients :
1. arthrose liée au vieillissement ;
2. arthrose métabolique (associée à l'obésité et au syndrome métabolique) ;
3. arthrose post-traumatique.
Par ailleurs, à côté de l'arthrose primitive, on distingue les arthroses dites secondaires car directement dues à toute maladie articulaire au potentiel destructeur (principalement arthrites microcristallines, arthrites septiques, rhumatismes inflammatoires destructeurs tels que la poylarthrite rhumatoïde ou la spondyloarthrite) ou à une malformation de l'articulation elle-même (ex. : dysplasie de hanche).
Enfin, à côté de ces arthroses primitives ou secondaires, il existe beaucoup plus rarement les arthroses des maladies monogéniques dues à des malformations articulaires qui s'intègrent dans un syndrome dysmorphique généralisé avec des troubles de la croissance squelettique (chondrodysplasies).
La coxarthrose est l'arthrose de l'articulation coxofémorale.
Entre quarante et soixante-quinze ans, la prévalence de la coxarthrose symptomatique en France est de l'ordre de 1 à 5 % de la population, avec une légère prédominance féminine.
La coxarthrose est favorisée dans plus de 50 % des cas par une anomalie, notamment par un vice architectural de la hanche qu'il faudra systématiquement rechercher avec des radiographies (coxarthrose secondaire sur dysplasie). Les autres formes sont considérées comme des coxarthroses primitives.
La douleur est le motif le plus fréquent de consultation. Elle est fréquemment associée à la raideur, entraînant rapidement une limitation des capacités fonctionnelles dans certaines activités de la vie quotidienne (marche, escaliers, changement de position, habillage, etc.) et une diminution nette de la qualité de vie. Parfois, c'est l'enraidissement de l'articulation qui amène le patient à consulter.
La douleur la plus spécifique est celle du pli de l'aine.
La douleur peut irradier à la face antérieure de la cuisse ou en antéro-interne, pouvant mimer une cruralgie. Les douleurs externes en regard du grand trochanter (association fréquente avec une tendino-bursite du moyen glutéal), postérieures dans la fesse sont aussi rapportées. Enfin, la douleur peut être dite « projetée » en regard du genou, ce qui peut être trompeur.
La douleur est d'horaire mécanique, augmentée à l'effort, calmée par le repos et ne réveillant pas le malade la nuit (sauf aux changements de position). La douleur peut s'accompagner d'une sensation de raideur matinale, avec un dérouillage court, de moins de quinze minutes.
Il est essentiel d'évaluer la diminution des capacités fonctionnelles en lien avec l'atteinte de la coxofémorale. Parmi les activités de la vie quotidienne, la marche doit être évaluée de manière systématique (boiterie d'esquive, diminution du périmètre de marche, de la vitesse de marche). Ce sont les limitations des mouvements de rotation de hanche qui occasionnent les incapacités les plus importantes : difficulté à mettre des chaussettes, à enfiler un collant, à s'accroupir, à sortir de voiture ou retentissement sur la vie sexuelle.
Plusieurs indices algofonctionnels sous forme de questionnaires comme le HOOS (Hip disability and Osteoarthritis Outcome Score), le WOMAC (Western Ontario and Mc Master Universities index) ou l'indice de Lequesne permettent de suivre l'évolution du retentissement de la coxarthrose (tableau 9.1). Avec l'indice de Lequesne est même proposé un seuil (≥ 10-12) incitant à discuter l'indication potentielle de prothèse totale de hanche.
Tableau 9.1 : Indice fonctionnel des coxopathies de Lequesne (à titre indicatif).
Évaluation | Cotation | |
---|---|---|
Douleur ou gêne | ||
Douleur nocturne | Aucune Seulement aux mouvements et dans certaines postures Même immobile, sans bouger | 0 1 2 |
Dérouillage matinal | Aucun ou inférieur à une minute Pendant quelques minutes Plus d'un quart d'heure | 0 1 2 |
Douleur lors du stationnement debout ou du piétinement pendant une demi-heure | Aucune Des douleurs | 0 1 |
À la marche | Aucune Après quelque distance Dès les premiers pas et allant croissant | 0 1 2 |
Gêne lors de la station assise prolongée | Aucune Douleur | 0 1 |
Marche maximale | ||
Aucune limitation Plus de 1 km mais limitée Environ 1 km (environ 15 minutes) 500 à 900 mètres (environ 8 à 15 minutes) 300 à 500 mètres 100 à 300 mètres Moins de 100 mètres Avec une canne ou canne-béquilleN Avec deux cannes ou cannes-béquilles | 0 1 2 3 4 5 6 + 1 2 | |
Difficultés pour : | ||
Enfiler une chaussette ou un collant par devant Ramasser un objet à terre Monter et descendre un étage Sortir d'une voiture Retentissement sur l'activité sexuelle | 0 à 2 0 à 2 0 à 2 0 à 2 0 à 2 | |
Le domaine chirurgical commence lorsque le score est supérieur ou égal à 10-12 points. |
Il doit se faire d'abord en position debout, puis à la marche et, enfin, en position couchée. L'examen clinique doit être bilatéral et comparatif.
Au total, au terme de l'examen, on doit pouvoir affirmer la responsabilité de la hanche dans le syndrome douloureux du creux inguinal, de la fesse ou de la cuisse.
Les radiographies vont aider à confirmer le diagnostic évoqué cliniquement.
L'examen radiographique (fig. 9.1 et 9.2) comprend un cliché de bassin debout de face avec les membres inférieurs en rotation interne à 20° et un faux profil de Lequesne de chaque hanche - indispensable, il évalue l'interligne articulaire en avant et en arrière ; l'interligne articulaire normal croît d'arrière en avant.
Fig. 9-1 : Coxométrie.
A. Hanche de face.
B. Faux profil de Lequesne.
Angle VCE : couverture externe de la tête (N > 25°).
Angle HTE : obliquité du toit du cotyle (N < 10°).
Angle CC'D : céphalo-cervico-diaphysaire (N < 135°).
Angle VCA : couverture antérieure de la tête (N > 25°).
V : verticale. H : horizontale. C : centre de la tête fémorale. D : axe de la diaphyse fémorale.
E : point externe du toit du cotyle. T : point interne du toit du cotyle. A : point antérieur du toit du cotyle.
Fig. 9-2 : Coxarthrose.
Sur le faux profil de Lequesne, on définit : angle VCA, couverture antérieure de la tête fémorale, normalement supérieur à 25°.
Ces clichés permettent de rechercher un ou des signes cardinaux de l'arthrose (fig. 9.3) :
Fig. 9-3 : Coxarthrose polaire supérieure.
A. Pincement articulaire supéro-externe.
B. Ostéocondensation sous-chondrale.
C. Géodes sous-chondrales.
D. Ostéophytose.
1. cotyloïdienne ; 2. péricapitale ; 3. cervicale inférieure ; 4. sous-capitale ; 5. de l'arrière-fond du cotyle ; 6. périfovéale.
Il n'y a pas de syndrome inflammatoire (VS et CRP normales).
L'examen du liquide synovial est inutile dans une coxarthrose typique cliniquement et radiographiquement. En cas de doute diagnostique, l'analyse du liquide articulaire confirme son caractère « mécanique » (< 1 000 éléments/mm3) et l'absence de microcristaux.
Il n'y a pas de test de routine permettant d'évaluer la dégradation du cartilage.
Le diagnostic de coxarthrose est, en règle générale, facile : clinique évocatrice et image typique de coxarthrose. Parfois, le diagnostic est plus difficile : il faut discuter principalement :
Dans ces cas, on s'aidera d'examens complémentaires plus spécialisés, au rang desquels l'IRM tient une place de choix. L'arthroscanner peut parfois avoir une place pour préciser une atteinte cartilagineuse coxofémorale non détectée à la radiographie ou une ostéochondromatose secondaire à la coxarthrose.
Il existe des grandes variations interindividuelles dans la cinétique d'évolution clinique et/ou radiographique : la progression moyenne du pincement articulaire à la hanche est de 0,2 à 0,3 - mm par an. Certaines formes de coxarthrose n'évoluent pas (moins de 10 %) ou peu (surtout les formes supéro-internes). À l'inverse, il existe des épisodes de chondrolyse semi-rapide, voire de chondrolyse rapide, correspondant à la coxarthrose destructrice rapide (CDR).
La CDR se définit par un pincement de plus de 50 % de l'interligne, ou de 2 mm en l'espace d'un an. Elle est caractérisée par une douleur de début brutal, très intense, à recrudescence nocturne. Elle se rencontre préférentiellement chez la femme de soixante-cinq ans, volontiers obèse, parfois déclenchée par un traumatisme articulaire ou un surmenage physique. La coxarthrose rapidement destructrice évolue très rapidement vers un pincement global de l'interligne sans ostéophytose. Seule la répétition des clichés (à trois mois d'intervalle minimum) met en évidence la chondrolyse par l'étude du pincement articulaire. L'évolution peut se faire vers l'ostéolyse de la tête fémorale qui perd alors sa sphéricité. Le doute avec une coxite notamment infectieuse ou microcristalline impose la ponction articulaire pour analyser le liquide synovial.
Il existe des formes d'évolution très rapide, soit un pincement de l'interligne de plus de 2 mm en un an, soit semi-rapide de 1 mm en un an, qui surviennent sur des coxarthroses installées. Ces formes ont une présentation cliniquement identique à des coxarthroses rapidement destructrices de novo et le diagnostic se fait sur l'évolutivité rapide du pincement de l'interligne articulaire.
a. Vices architecturaux congénitaux
Dysplasie supéro-externe (fig. 9.4) ou dysplasie luxante
Cette dysplasie est la plus fréquente. Elle est souvent bilatérale et elle est dépistée systématiquement à la naissance. Elle résulte :
Fig. 9-4 : Coxarthrose secondaire à une dysplasie supéro-externe.
Fig. 9-5 : Coxarthrose secondaire à une dysplasie interne.
Le traitement médical a toujours sa place, quel que soit le terrain, y compris dans les formes évoluées pour limiter le retentissement fonctionnel et associera dans tous les cas mesures non pharmacologiques et pharmacologiques. Le traitement médical prendra en compte le nombre d'articulations arthrosiques symptomatiques (s'agit-il d'une coxarthrose isolée incitant aux traitements locaux ou s'agit-il d'une coxarthrose dans le cadre d'une polyarthrose ?) ainsi que la présence de comorbidités qui peuvent limiter certaines prescriptions médicamenteuses (AINS notamment).
Le traitement médical comporte :
Les antiarthrosiques d'action lente et les injections d'acide hyaluronique ont été utilisés dans la coxarthrose, sans preuve réelle de leur efficacité symptomatique.
Les effets du traitement médicamenteux peuvent être mesurés à l'aide de critères bien validés pour le suivi clinique : périmètre de marche, douleur à la marche mesurée sur une EVA, indices algofonctionnels, indices de qualité de vie.
Le traitement chirurgical a deux objectifs :
a. Traitement chirurgical conservateur
Il s'agit d'une chirurgie préventive qui doit être systématiquement proposée et discutée en cas de dysplasie luxante douloureuse chez le sujet de moins de cinquante ans avec coxarthrose débutante. Elle vise à corriger précocement la malformation subluxante. Cette chirurgie précoce de correction est proposée à l'issue d'une discussion médicochirurgicale tenant compte du type de la malformation, de l'ancienneté de la douleur et de l'aspect radiographique concernant l'importance de l'arthrose. Il s'agit d'une chirurgie très délicate, qui doit être effectuée par un chirurgien entraîné à ces techniques et permet d'éviter ou retarder la pose de prothèse, ayant une durée de vie limitée, chez le sujet jeune. Ainsi, peut-on proposer :
La chirurgie est suivie d'une rééducation et d'un arrêt de travail prolongés, qui doivent être pris en compte chez des sujets en général en pleine activité professionnelle.
Ce sont des interventions chirurgicales finalement peu fréquemment proposées.
b. Chirurgie de la prothèse totale de hanche (fig. 9.6)
En aucun cas, l'imagerie seule permet de porter l'indication de la mise en place d'une prothèse de genou car le degré de l'atteinte radiographique ne corrèle pas à la gêne fonctionnelle. Seul le retentissement clinique (douleur et handicap) justifie l'intervention. On pourra s'aider de l'indice de Lequesne.
Fig. 9-6 : Prothèse totale de hanche à droite et coxarthrose à gauche.
La gonarthrose est l'arthrose la plus fréquente des membres inférieurs, avec une nette prédominance féminine après la ménopause. Entre quarante et soixante-quinze ans, l'arthrose du genou touche 2 à 10 % des hommes et 3 à 15 % des femmes en France.
Elle concerne différents compartiments :
Ces différentes localisations volontiers intriquées (15 à 20 % des cas) réalisent des atteintes uni-, bi- ou tricompartimentales.
Il faudra s'attacher à préciser chez un patient gonarthrosique les compartiments touchés.
La gonarthrose fémorotibiale est fréquente, particulièrement chez la femme (deux tiers des malades) après la ménopause. La moyenne d'âge est de soixante-cinq ans. Elle est favorisée par les troubles de la statique des membres inférieurs avec notamment un genu varum (entraînant une surcharge de pression dans le compartiment fémorotibial interne) ou un genu valgum (entraînant une surcharge de pression dans le compartiment fémorotibial externe).
La douleur est le principal motif de consultation mais la raideur du genou qui apparaît secondairement participe aussi à la limitation des capacités fonctionnelles.
a. Topographie
C'est une douleur souvent décrite de façon diffuse et globale dans le genou. Elle est plus volontiers localisée au compartiment interne en cas d'atteinte fémorotibiale interne.
b. Horaire
Cette douleur est de rythme mécanique, survenant à la marche, à la montée et parfois à la descente des escaliers, lors de la remise en charge depuis une position assise, soulagée par le repos, ne réveillant pas le malade sauf lors des changements de position. Il existe cependant des poussées dites inflammatoires locales (appelées souvent de manière impropre « congestives »), où la douleur s'intensifie avec une recrudescence nocturne des douleurs et la présence d'un épanchement articulaire parfois abondant.
c. Retentissement fonctionnel
Il faut apprécier systématiquement le retentissement fonctionnel, comme pour la hanche car il peut être très différent selon l'activité du patient (professionnelle ou sportive). Plusieurs indices algofonctionnels sous forme de questionnaires comme le KOOS (Knee disability and Osteoarthritis Outcome Score), le WOMAC (Western Ontario and Mc Master Universities index) ou l'indice de Lequesne permettent de suivre l'évolution du retentissement fonctionnel. Avec l'indice de Lequesne est même proposé un seuil (≥ 10-12) incitant à discuter l'indication potentielle de prothèse totale de genou.
d. Examen clinique
L'examen du genou se fait debout puis à la marche, puis couché. L'examen est bilatéral et comparatif. L'examen debout s'intéresse aux déviations axiales des membres inférieurs pour mettre en évidence une déformation à type de genu varum (« déviation en dedans de la jambe ») ou de genu valgum (« déviation en dehors de la jambe »), voire de genu recurvatum (genou en hyperextension).
L'examen à la marche permet surtout de rechercher une majoration d'un trouble statique, l'existence d'une boiterie voire la mise en évidence d'un dérobement ou d'un lâchage (flexion spontanée du membre inférieur en position debout, témoignant d'une faiblesse quadricipitale).
En décubitus dorsal, on étudie :
a. Incidence radiographique
Les radiographies vont aider à confirmer le diagnostic évoqué cliniquement.
Il faudra systématiquement demander les incidences radiographiques suivantes de manière bilatérale et comparative :
b. Signes cardinaux de l'arthrose à rechercher (fig. 9.7 et 9.8)
Fig. 9-7 : Gonarthrose fémorotibiale interne : évolution radiographique avec apparition d'une déformation en varus.
Fig. 9-8 : Gonarthrose fémorotibiale interne.
L'évolution de l'arthrose se fait par poussées et est très variable à l'échelon individuel. Il existe des périodes douloureuses alternant avec des périodes d'accalmie. Même à un stade radiographique évolué, la gêne fonctionnelle peut ne pas être majeure (discordance radioclinique) mais l'inverse est aussi possible. La plupart des sujets conservent un périmètre de marche suffisant pour des activités de la vie quotidienne. Les activités sollicitant particulièrement les genoux sont en revanche rapidement exclues par les patients (se mettre accroupi, course, saut, etc.).
La présence d'un épanchement synovial à répétition ou chronique est un facteur de mauvais pronostic d'évolution de la gonarthrose.
a. Gonarthrose destructrice rapide
Au même titre que pour la coxarthrose, il s'agit d'une forme particulière avec une aggravation rapide du pincement articulaire, de plus de 50 % en 1 an. Elle touche particulièrement les patients présentant des épanchements chroniques ou récidivants du genou. Il faut alors rechercher l'existence d'une chondrocalcinose articulaire associée.
b. Secondaires à une autre pathologie (gonarthroses secondaires)
Certaines gonarthroses sont secondaires à une arthrite chronique (polyarthrite rhumatoïde, spondyloarthrite, arthrite septique, arthropathie métabolique), une ostéonécrose, une maladie de Paget. Le contexte clinique et la radiographie standard (montrant typiquement une atteinte tricompartimentale) suffisent en général à évoquer ce diagnostic de gonarthrose secondaire.
a. Traitement médical
Dans tous les cas, le traitement médical qui doit associer mesures non pharmacologiques et pharmacologiques est de mise car l'aggravation est très progressive, sur plusieurs années, avec des périodes d'accalmie clinique possibles.
Le traitement médical (pharmacologique et non pharmacologique) prendra en compte le nombre d'articulations arthrosiques symptomatiques (s'agit-il d'une gonarthrose isolée incitant aux traitements locaux ou s'agit-il d'une gonarthrose dans le cadre d'une polyarthrose ?) ainsi que la présence de comorbidités qui peuvent limiter certaines prescriptions médicamenteuses (AINS notamment).
Le traitement médical comporte plusieurs volets :
Les antiarthrosiques d'action lente (glucosamine, chondroïtine,) ont longtemps été utilisés au long cours dans la gonarthrose à visée antalgique mais ont été déremboursés insaponifiables d'avocat et de soja du fait d'un bénéfice clinique jugé trop modeste.
b. Traitement chirurgical
Deux objectifs :
En aucun cas, l'imagerie seule permet de porter l'indication de la mise en place d'une prothèse de genou car le degré de l'atteinte radiographique ne corrèle pas à la gêne fonctionnelle. Seul le retentissement clinique (douleur et handicap) justifie l'intervention. On pourra s'aider de l'indice de Lequesne.
Traitement dit conservateur par ostéotomie de réaxation (fig. 9.9)
L'ostéotomie de valgisation en cas de gonarthrose sur genu varum ou l'ostéotomie de varisation en cas de gonarthrose sur genu valgum permettent de retarder en moyenne de douze ans la mise en place d'une prothèse totale au genou ; cependant, il s'agit d'interventions lourdes qui ne sont envisageables qu'avant soixante-cinq ans sur un genou stable sans laxité avec une gonarthrose peu évoluée.
Fig. 9-9 : Principe de l'ostéotomie de valgisation « tibiale ».
L'atteinte est le plus souvent observée chez une femme au-delà de quarante ans, elle est souvent bilatérale et symétrique, elle intéresse en règle générale le compartiment externe de l'articulation fémoropatellaire. Les principaux facteurs de risque sont la dysplasie fémoropatellaire (subluxation externe de la rotule), la chondromalacie rotulienne (amincissement localisé du cartilage rotulien avec ulcération et fissure visible en IRM ou par arthroscopie) et les luxations de rotule.
La douleur siège typiquement à la face antérieure du genou. Elle est volontiers déclenchée par les activités plaquant la rotule sur les trochlées fémorales : la descente plutôt que la montée des escaliers, la station assise prolongée, l'agenouillement. À l'inverse, les douleurs sont modestes en terrain plat. Elle peut s'accompagner de signes d'accrochage douloureux, notamment à la marche, et d'épisodes d'épanchement. À l'examen, bilatéral et comparatif, on recherche des signes de souffrance dans le compartiment fémoropatellaire.
La douleur est réveillée :
Fréquemment, la douleur du genou est plus diffuse et traduit l'atteinte associée d'un compartiment fémorotibial.
Le diagnostic clinique est confirmé par la radiographique, qui comprend :
Les incidences axiales mettent en évidence une diminution ou une disparition de l'interligne externe, associée à une ostéophytose rotulienne trochléenne externe (fig. 9.10).
Fig. 9-10 : Arthrose fémoropatellaire avec amincissement de l'interligne externe.
Fig. 9-11 : Dysplasie trochléopatellaire.
L'évolution de l'arthrose fémoropatellaire est variable. Les douleurs sont d'abord intermittentes, puis deviennent gênantes, notamment lors de la pratique de la marche et des activités sportives. Cette arthrose s'associe souvent à une amyotrophie du quadriceps et à un épanchement articulaire, avec parfois un kyste poplité.
Le traitement est surtout médical, associant kinésithérapie et traitements antalgiques.
Ce n'est qu'en cas de retentissement clinique important malgré un traitement rééducatif et antalgique bien conduit qu'on envisage une intervention chirurgicale.
Différentes techniques chirurgicales sont proposées (transposition de la tubérosité tibiale, patellectomie, arthroplastie totale de la rotule).
L'arthrose digitale - base du pouce, articulation interphalangienne distale et, moins souvent, articulation interphalangienne proximale - est la localisation la plus fréquente de l'arthrose en général, elle est plus volontiers associée à l'arthrose des genoux, et elle s'intègre parfois dans une polyarthrose.
Après cinquante-cinq ans, deux femmes sur trois et un homme sur deux présentent des signes d'arthrose à la radiographie des mains. Parmi cette population, 20 % en souffrent, sous la forme de douleurs mécaniques pouvant toucher tous les doigts. L'atteinte des articulations interphalangiennes distales est la forme la plus fréquente, suivi de l'arthrose de la base du pouce (arthrose trapézométacarpienne ou rhizarthrose) favorisée par des microtraumatismes répétés ou par un vice de la statique du premier métacarpien.
L'arthrose digitale se traduit par le développement, à bas bruit, de tuméfactions nodulaires des articulations interphalangiennes distales, parfois douloureuses, entraînant des déformations importantes : les nodules d'Heberden. L'atteinte des articulations interphalangiennes proximales, est moins fréquente, caractérisée par les nodosités de Bouchard (fig. 9.12).
Fig. 9-12 : Arthrose digitale - Atteintes caractéristiques des articulations interphalangiennes distales et proximales.
Collection C. Marcelli - Caen.
Fig. 9-13 : Rhizarthrose - Déformation du pouce avec pouce adductus.
Collection C. Marcelli - Caen.
L'arthrose digitale est parfois invalidante par les douleurs et/ou la gêne fonctionnelle et/ou la gêne esthétique. Certains indices algofonctionnels permettent de quantifier son retentissement comme l'indice de Dreiser ou le score AUSCAN (Australian/Canadian Hand Osteoarthritis Index). L'évolution montre une régression et une diminution des douleurs dans le temps au prix de l'installation de nodules, parfois déformants, possiblement handicapants sur le plan fonctionnel dans les gestes de la vie quotidienne.
L'arthrose érosive des doigts se traduit par des poussées inflammatoires locales congestives des articulations des doigts caractérisées par des douleurs intenses, inflammatoires avec des réveils nocturnes, évoluant sur plusieurs semaines. Dans les formes les plus inflammatoires, ces atteintes peuvent ressembler à un rhumatisme inflammatoire, en particulier au rhumatisme psoriasique compte tenu des localisations sur les articulations interphalangiennes distales. Ces formes entraînent radiologiquement d'importantes érosions avec des géodes et un pincement total de l'interligne articulaire avec un aspect en « aile de mouette » (fig. 9.14).
Fig. 9-14 : Arthrose digitale érosive touchant les articulations interphalangiennes distales avec aspect en « aile de mouette ».
Il n'y a pas de traitement véritablement consensuel de l'arthrose digitale. La maladie évolue par poussées douloureuses responsables d'une gêne très importante. À terme, une gêne fonctionnelle parfois considérable peut s'installer en raison d'une déformation vicieuse.
Il fait appel à :
Les injections d'acides hyaluroniques et les antiarthrosiques d'action lente n'ont pas leur place dans le traitement de l'arthrose digitale.
Elle doit être réservée à des cas exceptionnels compte tenu du caractère extensif et diffus de la maladie. Il peut s'agit d'intervention de réaxation, de blocage de l'articulation (arthrodèse) ou de remplacement prothétique.
L'histoire naturelle de la rhizarthrose qui évolue vers une gêne fonctionnelle souvent bien tolérée incite peu à recourir à la chirurgie. Néanmoins, l'indication chirurgicale peut se poser en fonction du retentissement de l'arthrose et de l'âge du patient. Les interventions proposées sont la trapézectomie ou la prothèse trapézométacarpienne, l'arthrodèse étant plutôt réservée à des cas particuliers d'arthrose post-traumatique.
Les localisations arthrosiques, en dehors de la main, du genou et de la hanche sont rares. Elles doivent systématiquement faire rechercher une cause associée (traumatique, microcristalline, etc.).
L'omarthrose touche essentiellement la scapulohumérale.
Il faut distinguer l'omarthrose excentrée, secondaire à une rupture de coiffe (fig. 9.15), de l'omarthrose centrée (primitive, rare et doit faire rechercher une cause secondaire dont une pathologie articulaire destructrice comme la polyarthrite rhumatoïde ou la chondrocalcinose).
Fig. 9-15 : Omarthrose excentrée secondaire à la rupture de la coiffe des rotateurs.
L'arthrose de la cheville est presque toujours secondaire : post-traumatique, nécrose de l'astragale, chondrocalcinose ou maladie de surcharge comme l'hémochromatose.
Elle se traduit par des douleurs mécaniques de la cheville en orthostatisme et à la marche. Il existe souvent un déficit de l'extension.
Le traitement consiste essentiellement en des mesures orthopédiques. Il faut réserver l'arthrodèse à des cas extrêmement invalidants en raison de la raideur séquellaire de l'intervention. Les prothèses totales de cheville sont possibles, mais uniquement posées dans des services spécialisés.