Boiterie chez l'enfant

Item 54 UE III


 
La boiterie est un trouble de la marche avec appui prolongé ou escamoté qui se traduit par une démarche particulière avec, parfois, un refus total de marcher. Ses étiologies sont d'origines multiples : ostéoarticulaire ou neurologique, tumorale ou infectieuse.
Il ne faudra pas méconnaître les urgences que sont les infections ou les affections malignes.

1 - Démarche diagnostique devant une boiterie de l'enfant

Le motif de recours est une boiterie en dehors d'un contexte traumatique.
Le symptôme est défini ainsi par le parent : « Mon enfant refuse de se mettre debout », « refuse de marcher », « boite ».

1.1 - Interrogatoire

L'interrogatoire des parents et de l'enfant précise :

  • les antécédents familiaux et personnels (hémopathie, trouble de l'hémostase, rhumatisme inflammatoire, maladie génétique, entérocolopathie, virose, prise de médicaments) ;
  • l'ancienneté des symptômes ;
  • les circonstances d'apparition, brutale ou progressive ;
  • l'existence ou non de signes associés à la boiterie :
    – une douleur :
       . sa localisation : membre atteint, rachis ;
       . son caractère mécanique ou inflammatoire ;
    – une fièvre, des sueurs nocturnes ;
    – une altération de l'état général ;
    – un amaigrissement ou une absence de prise de poids ou une cassure de la courbe de croissance.

1.2 - Examen clinique

  • On fait marcher l'enfant en sous-vêtements.
  • L'attitude antalgique se traduit par le refus d'appui, voire de marcher ; chez le nourrisson, chercher une asymétrie de gesticulation.
  • Examen articulaire :
    – inspection : rougeur, gonflement, attitude vicieuse, amyotrophie, plaie, hématome ;
    – tester les mobilités articulaires, douleurs provoquées, limitation, raideur ;
    – examen rachidien et neurologique ;
    – examen de la force musculaire ;
    – examen général à la recherche d'adénopathies, d'hépato- ou splénomégalie, d'une atteinte projetée d'origine viscérale.

Les signes d'alerte relevant d'une consultation urgente sont : un contexte fébrile, une altération de l'état général, une douleur persistante et/ou intense, une impotence fonctionnelle absolue, la constatation d'un gonflement articulaire ou d'une voussure localisée.

1.3 - Examens complémentaires

  • Examens biologiques :
    – NFS ;
    – CRP ;
    – selon le contexte : hémocultures, ponction articulaire.
  • Des radiographies standards, bilatérales, seront pratiquées de manière dirigée si le point d'appel clinique est évident (douleur articulaire, voussure localisée). Chez le nourrisson, en l'absence de point d'appel évident, on prescrit une radiographie du membre inférieur concerné en totalité.
  • L'échographie est utile notamment dès qu'il y a une douleur articulaire inflammatoire sans synovite clinique. Elle est systématique en cas de douleur de hanche (puisqu'il n'y a jamais d'arthrite clinique de la hanche).
  • la scintigraphie osseuse reste utile si la boiterie s'accompagne d'une douleur sans que l'interrogatoire ni l'examen clinique n'arrivent à préciser la localisation.
  • L'IRM articulaire ou rachidienne se discute en fonction des résultats des premiers examens.

2 - Diagnostic étiologique

Différentes hypothèses étiologiques sont évoquées selon l'âge de l'enfant (fig. 1.1).

Fig. 1-1 :Démarche diagnostique devant une boiterie de l'enfant.
ATA : apophysite tibiale antérieure ; SAT : synovite aiguë transitoire ; OPH : ostéochondrite primitive de hanche ; EH : épiphysiolyse de hanche ; LCH : luxation congénitale de la hanche.

COFER


2.1 - Jusqu'à trois ans

Il faut évoquer :

  • une infection ostéoarticulaire, véritable urgence diagnostique et thérapeutique (plus fréquent avant 3 ans) :
    – de dissémination hématogène le plus souvent ;
    – les manifestations cliniques en sont bruyantes et l'impotence fonctionnelle généralement absolue :
    – l'articulation est douloureuse, très chaude et gonflée lors d'une arthrite septique ;
    – la douleur est métaphysaire lors d'une ostéomyélite ;
    – il existe un important syndrome inflammatoire et infectieux, hyperleucocytose ;
    – une porte d'entrée sera recherchée systématiquement mais rarement retrouvée ;
    – la spondylodiscite est un piège diagnostique, en particulier chez le nourrisson : la douleur est inflammatoire, réveille l'enfant la nuit, la raideur rachidienne se traduit par un refus de maintenir une position assise (signe du pot) ; la fièvre est souvent peu élevée ou absente et le syndrome inflammatoire biologique très discret ;
  • une cause mécanique : chaussures inadaptées, corps étranger plantaire ;
  • un traumatisme, très souvent méconnu, à l'origine d'une fracture sous-périostée, fémorale ou tibiale, diagnostiquée par la radiographie, éventuellement répétée, ou complétée d'une scintigraphie osseuse ; la fracture métaphysaire d'un os long ;
  • un rhumatisme inflammatoire ou arthrite juvénile idiopathique dans sa forme oligoarticulaire qui a la particularité d'être associée à des uvéites froides et à des anticorps antinucléaires, car elle se révèle pratiquement toujours par une boiterie non fébrile avec atteinte des genoux et/ou des chevilles ;
  • une atteinte neurologique ou neuromusculaire : en dehors de tableaux cliniques francs (hémiplégie, diplégie, infirmité motrice cérébrale), un retard d'acquisition de la marche, un dandinement, une rétraction ou une fatigabilité sont autant de signes frustes à rechercher ;
  • plus rare, la luxation congénitale de hanche de révélation tardive, dont le diagnostic est clinique et radiologique.

2.2 - De trois à huit ans

2.2.1 - Synovite aiguë transitoire, ou rhume de hanche

  • La plus fréquente des causes de boiterie à cet âge, le plus souvent en hiver ou au printemps.
  • Apparition brutale d'une boiterie, d'une douleur inguinale, fessière ou projetée au genou.
  • L'état général est conservé ; l'apyrexie est habituelle.
  • La hanche est le siège d'une douleur, rarement intense, d'une limitation de l'abduction et de la rotation médiale.
  • Le bilan biologique est rassurant, sans hyperleucocytose, mais une augmentation de la CRP est possible.
  • Des radiographies standards de la hanche concernée et de l'autre hanche, de face et de profil, sont toujours indiquées pour ne pas méconnaître une autre cause, en particulier infectieuse. Elles sont le plus souvent normales.
  • L'échographie retrouve la présence d'un épanchement intra-articulaire
  • Ce diagnostic, avant tout clinique, demeure un diagnostic d'élimination. En cas de doute diagnostique avec une arthrite septique, l'analyse du liquide synovial s'impose, comportant une étude bactériologique et cytologique.
  • Le liquide articulaire est inflammatoire et stérile.
  • Le traitement consiste en la mise en décharge (délicate chez un enfant de cet âge). Les AINS ont un bon effet antalgique. En cas de douleurs importantes, une mise en traction peut être indiquée.
  • L'évolution est favorable en 5 à 10 jours.
  • Une radiographie de contrôle 2 mois après est conseillée afin d'éliminer une ostéochondrite primitive de hanche.

2.2.2 - Ostéochondrite primitive de hanche, ou maladie de Legg-Perthes-Calvé

  • Il s'agit d'une nécrose ischémique de l'épiphyse fémorale supérieure.
  • Elle touche le garçon dans 80 % des cas.
  • Elle se traduit par une douleur mécanique, tenace et récidivante de la hanche (pli de l'aine, de la cuisse, voire du genou) et une boiterie.
  • L'état général est conservé.
  • Les examens biologiques sont normaux.
  • La radiographie, normale au stade précoce, évolue en trois phases : phase de condensation avec aplatissement du noyau épiphysaire, phase de fragmentation de la tête fémorale et phase de reconstruction de l'épiphyse (fig. 1.2).


Fig. 1-2 :Deux cas d'ostéochondrite primitive de hanche.
A. Bassin de face. Fragmentation de l'épiphyse fémorale de la hanche droite avec densification de la zone de nécrose à un stade précoce. B. Bassin de face à un stade tardif.

COFER



  • Le traitement vise à éviter la déformation de la tête fémorale par la mise en décharge prolongée de l'articulation ou par l'intervention chirurgicale si le diagnostic est trop tardif.

2.3 - Chez l'enfant de dix ans et plus

2.3.1 - Épiphysiolyse de hanche

  • L'épiphysiolyse de hanche est un glissement de la tête fémorale dans le plan du cartilage de conjugaison.
  • C'est la principale cause de boiterie en période prépubertaire. Elle survient deux fois sur trois chez le garçon, et est plus fréquente en cas de surcharge pondérale.
  • La boiterie est permanente et aggravée par l'effort.
  • À la marche, on note un membre en rotation latérale spontanée.
  • À l'examen, la rotation médiale et l'abduction sont limitées.
  • L'état général est conservé.
  • Les examens biologiques sont normaux.
  • Les radiographies du bassin, des hanches de face et de faux profil, comparatives, montrent un déplacement de la tête fémorale ou des signes indirects de glissement : cartilage de conjugaison irrégulier, élargi par rapport au côté sain (fig. 1.3). À un stade tardif, le diagnostic est évident : la tête fémorale a basculé.


Fig. 1-3 :Épiphysiolyse de hanche gauche. Bascule de l'épiphyse fémorale en dedans (cliché de face) et en arrière (cliché de profil).
A. Bassin de face. B. Hanche gauche de profil.

COFER



  • Le traitement est une urgence chirurgicale. Une mise en décharge rapide est indispensable jusqu'à l'intervention.

2.3.2 - Apophysites

  • Elles sont plus fréquentes chez l'adolescent sportif.
  • Elles se traduisent par une douleur mécanique au site d'insertion tendineuse.
  • La palpation de l'apophyse et la contraction musculaire contrariée réveillent la douleur.
  • La radiographie peut révéler des signes d'apophysite (fragmentation et densification irrégulière du noyau d'ossification).
  • La plus fréquente est l'apophysite tibiale antérieure, ou maladie d'Osgood-Schlatter.
  • Le repos sportif, la physiothérapie antalgique suffisent habituellement.

2.4 - À tout âge

2.4.1 - Infection ostéoarticulaire

Cf. chapitre 11.

2.4.2 - Tumeurs osseuses

  • Une tumeur peut être révélée par une douleur ou une boiterie.
  • L'interrogatoire recherche une altération de l'état général, des sueurs nocturnes, un horaire inflammatoire avec réveil nocturne.
  • Une douleur inflammatoire d'un membre chez un adolescent ne doit pas être mise systématiquement sur le compte d'un traumatisme sportif et doit faire pratiquer une radiographie standard.
  • La radiographie suffit souvent à orienter le diagnostic en présence d'une rupture de la corticale, d'une plage d'ostéolyse ou d'ostéocondensation.
  • D'autres explorations complémentaires seront alors nécessaires au bilan local et d'extension (examen IRM, scanner) (cf. chapitre 27).
  • Le diagnostic final n'est retenu qu'après analyse anatomopathologique.

2.4.3 - Hémopathies et autres tumeurs solides

Deux diagnostics dominent :

  • entre l'acquisition de la marche et 5 ans : neuroblastome métastatique ;
  • à tout âge : leucémie aiguë lymphoblastique.

Les hémopathies peuvent se révéler par des douleurs osseuses des membres inférieurs mais également par d'authentiques arthrites. C'est un piège classique des formes pseudo-rhumatismales des leucémies aiguës lymphoblastiques de l'enfant.




Légende :

Dans le respect de la Réforme du deuxième cycle des études médicales (R2C), les connaissances rassemblées sur ce site sont hiérarchisées en rang A, rang B et rang C à l'aide de balises et d'un code couleur :
Connaissances fondamentales que tout étudiant doit connaître en fin de deuxième cycle.
Connaissances essentielles à la pratique mais relevant d'un savoir plus spécialisé que tout interne d'une spécialité doit connaître au premier jour de son DES.
Connaissances spécifiques à un DES donné (troisième cycle).